Les Siècles Obscurs… Forcément, un nom comme celui-ci attise la flamme de la découverte et fait naître l’excitation de se plonger dans l’inconnu, dans une période lointaine et méconnue. Cette curiosité et cette soif de connaissance animent également – et heureusement pour nous ! - les historiens et archéologues qui, en quelques décennies seulement, ont fait des découvertes considérables permettant de lever une part du voile d’ombre qui pesait sur cette période de l’Histoire. De nombreux faits que l’on pensait établis ont alors été remis en cause dans leurs fondements même, et c’est dans ce contexte que notre auteure, Annie Schnapp-Gourbeillon, nous livre une synthèse très documentée des discussions et différentes thèses qui ont cours sur la période de ces Siècles Obscurs avant d’en puiser la substance pour nous présenter les hypothèses et constructions historiques les plus viables et vraisemblables.
Annie Schnapp-Gourbeillon nous plonge donc dans cette période, méconnue mais pourtant décisive, qui sert de jonction entre la société Mycénienne et la période Archaïque grecque. L’hypothèse d’une invasion «dorienne» est fortement remise en cause pour privilégier la piste d’une implosion du système palatial causant la fin de l’ère Mycénienne et de la royauté. L’auteure aborde également l’évolution des pratiques de la guerre en s’appuyant sur l’iconographie, les textes homériques et les découvertes archéologiques, et traite d’un sujet intéressant : le rôle du char dans l’art de la guerre Mycénien. Elle pointe également avec justesse la continuité et le renouveau qui s’établit dans la pratique cultuelle : ainsi, il n’y a pas de rupture, mais une continuation et une adaptation des cultes. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une tablette en Linéaire B nous a fourni un panthéon très semblable au panthéon Grec. Enfin, la question épineuse de l’écriture dans la société grecque est traité, encore une fois rigoureusement. Il est indéniable que le linéaire B Mycénien n’a eu aucune influence sur le Grec, qui provient plutôt d’une adaptation réfléchie de l’alphabet Phénicien. L’auteure insiste fortement sur le fait que le Grec s’appuie à l’origine sur une volonté poétique, ce qui fait du Grec une langue si originale.
Annie Schnapp-Gourbeillon nous dresse donc un premier horizon des débats qui ont lieu sur cette période et traite de tous les points abordés avec une rigueur scientifique qui force le respect : elle s’appuie sur des travaux érudits qui font autorité, cite les principaux auteurs qui ont soutenu telle ou telle théorie, énumère toutes les données archéologiques qui permettent d’appuyer ou infirmer une thèse, et traite la Grèce des Siècles obscurs non pas comme une entité homogène – ce qui entraînerait des raisonnements faussés – mais, au contraire, prend en compte toutes les originalités régionales. Elle fait honneur à l’Histoire de par sa méthode exemplaire, et je recommande vivement cet ouvrage, qui donne envie d’approfondir davantage encore nos recherches sur cette période si riche qui se révèle à nous, peu à peu.