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Le texte :
Lors d’un chantier, le corps de Jessica Diallo est retrouvé, plus d’un an après sa disparition. Pierre-Arsène Leoni et son équipe s’emparent de l’affaire et tel un chien sur son os, ils ne sont pas près de lâcher le morceau. Comme à leur habitude, ils iront jusqu’au bout.
« Comme d’habitude » parce que ces « Vents mauvais » sont la septième aventure du commissaire Leoni. La précédente, « Des forêts et des âmes », est chroniquée ici tandis que les tomes 4 et 5 sont dans ma PAL et les tomes 1, 2 et 3 devraient ressortir aux éditions Au-delà du Raisonnable en 2017 (tomes 1 et 2) et 2018 (tome 3).
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos vaches et parlons un peu de ces vents mauvais qui suintent la haine et le rejet. Il est beaucoup question dans la première partie du livre de racisme : le centre équestre où se rendait Jessica, d’origine africaine, est la cible de tags racistes de la part de petits frappes frontistes locales et emploie Ali, aux origines tout aussi étrangères que Jessica. La haine est à l’origine de la disparition de Jessica. Est-elle pour autant à l’origine de sa mort ? C’est là l’objet de la seconde partie du livre.
En toile de fond, traçant à la fois une ligne de démarcation entre les deux parties sur la disparition et sur la mort de Jessica et un fil conducteur reliant les deux parties, Elena Piacentini aborde l’histoire des enfants d’outre-mer déracinés dans les années 60 pour repeupler les zones rurales françaises désertées par la population. Doublement déracinés parfois, même, dans la mesure où il ne s’agissait pas uniquement d’orphelins mais d’enfants de familles auxquelles on faisait miroiter un hypothétique meilleur avenir.
Le sort de Jessica, qui n’est pas une de ces enfants déracinés, se retrouve pourtant intimement lié à celui de Jean-Toussaint et de Marie-Eve, arrivés en France au milieu des années soixante, sans repère, sans clef d’intégration, parlant un créole peu compréhensible aux métropolitains. Jean-Toussaint voie en Marie-Eve son ange gardien qui disparaît au tournant des années soixante-dix, sans laisser de trace.
Jean-Toussaint, Marie-Eve, au même titre que Mamielouise, la grand-mère de Jean-Toussaint restée sur son île, ou que Mémé Angèle, la grand-mère de Pierre-Arsène Leoni, sont les éclairs d’humanité de ce récit âpre et sans concession. JE rajouterai le personnage de Samuel dont la présence est fugace mais illumine malgré tout l’histoire. Samuel est le pendant amical de ce que Marie-Eve et Mamielouise sont au versant familial et amoureux de Jean-Toussaint. Ces personnages rayonnent et apportent la touche d’espoir en l’humanité dont on a besoin au sortir du déversement de racisme et de perversité que représentent ces vents mauvais.
En matière de style et d’écriture, je ne changerai rien à ce que j’ai déjà dit dans mon billet sur « Des forêts et des âmes » : c’est aussi fluide que c’est travaillé et imagé et poétique. Elena Piacentini s’attache autant à ses personnages qu’à l’environnement dans lequel ils déploient leurs carcasses : frêle pour Fée, imposante pour Baudoin, ferme pour Leoni, etc…
Elena Piacentini apporte une importance évidente à la cohérence de ses personnages. Si on n’apprend pas grand chose de plus sur Leoni, qu’on retrouve toujours aussi attaché à sa cellule familiale (sa grand-mère, sa fille et sa compagne) et droit dans ses bottes avec sa propre notion de la justice, si Fée est égale à elle-même : sa fragilité et sa sensibilité issues de son histoire personnelle la poussent à s’investir plus que de raison, si Baudoin passe toujours son temps à manger, elle nous propose cette fois-ci de découvrir le passé de Thierry, autre membre de l’équipe de Pierre-Arsène Leoni.
Je pourrai aussi vous parler de Colette, ancienne prof de mathématiques surnommée Pythagore, je pourrai vous parler des sculptures de Jean-Toussaint, je pourrai vous parler de la symbolique de celles-ci, je pourrai vous parler anges et démons, mais cela je vous le laisserai découvrir vous-même.
Bon, pour conclure : vous pouvez y aller… c’est un nouveau coup de cœur pour moi !