Au 234 boulevard de la Villette, un escalier droit mène à une coursive. Bienvenue au Moukou, haut lieu des nuits afroparisiennes, since 1986. Devise : « Le soleil fait honte. » Traduction : « La fête n'a pas de limite tant qu'il fait nuit. » Le Moukou est le royaume des 4B : Bière, Brochettes, Bruit, Bagarres. [...]
La grande fréquentation et la réputation de l'endroit pourraient en faire une version mélaninée des Bains Douches, le club du Marais. Mais le Moukou est un cloaque. À ciel ouvert on s'assoit sur des casiers vides, on boit au goulot, même le whisky frelaté. Dans un coin, une chambrette est aménagée en piste de danse. Parfois, elle est tellement pleine que les seuls qui ont de la place pour bouger, ce sont les membranes des hauts-parleurs. Ils envoient les décibels sans se soucier du seul et unique voisin, le Parti communiste français. Son dôme et ses murs font écho aux tubes musicaux et aux cris endiablés; sa pelouse accueille les pipis des mâles qui n'ont pas le temps que se libère l'unique toilette, c'est-à-dire à peu près tous. Boire au Moukou et pisser sur le PCF ? Un Congolais clame : « le Moukou ne vaut rien, mais rien ne vaut le Moukou. » [...]
Squat ? HLM ? Privé ? On ne connait pas vraiment le statut duMoukou. Les kyrielles de plaintes et les délations tous azimuts ne l'ont jamais ébranlé. Les policiers n'y mettent pas les pieds. Il a la « franchise universitaire », comme le clame un Sénégaulois. La rumeur dit que Guéda arrose les flics. La rumeur est con. À 300 mètres, le commissariat Louis-Blanc est une termitière à poulets. On peut arroser un flic plusieurs fois, mais on ne peut pas arroser plusieurs flics plusieurs fois et pendant des années. On n'est pas à Nguiri-Nguiri ou Gueule-tapée quand même ! Black Manoo a sa petite idée. Le dôme chauve, le bâtiment en S, le passé glorieux... les communistes ne sont pas totalement morts. Le PCF peut encore protéger ses voisins.