Nicolas Merrien n’est pas un Metalleux. Rédacteur en chef d’AlbumRock, un webzine consacré au Rock, c’est justement sa distanciation par rapport à la scène Metal qui donne à son ouvrage une saveur particulière, l’auteur se permettant des analyses inédites de l’histoire du groupe, de son influence sur le Metal et en retour, de sa dévolution paradoxale à sa fanbase à partir du début des années 80, le Sab étant devenu, d’après Nicolas Merrien, prisonnier de l’imaginaire qu’il a contribué à développer.
L’auteur choisit délibérément de s’intéresser à la musique en laissant de côté l’aspect paillettes / cancans, déjà amplement développé dans les autobiographies de Tony Iommi (Iron Man) et Ozzy Osbourne (I am Ozzy). Pour arriver à ses fins, l’auteur a lu à peu près tout ce qui a été écrit sur BLACK SABBATH, visionné des concerts, des interviews, des témoignages. Il a ensuite chaussé son casque audio et méticuleusement réécouté toute la discographie. Le résultat est un ouvrage d’une remarquable concision qui balaye la carrière des brummies de sa genèse à l’aube des années 70 à son épilogue, l’ultime EP, The End et la tournée éponyme censée mettre un point final à la carrière active de l’un des groupes les plus influents du Metal.
Dans une introduction rien moins que brillante, Nicolas Merrien explique que le rattachement de BLACK SABBATH au Heavy Metal a été à la fois une bénédiction et une malédiction pour le quatuor. Une bénédiction car le groupe jouit dans le milieu Metal d’une aura messianique. Il est cité comme référence par des centaines de formations et sa musique, considérée comme la pierre angulaire du Metal, est toujours écoutée aujourd’hui. Une malédiction car en s’appropriant le Sab, le Metal a quasiment interdit aux autres sous-courants du Rock de revendiquer des influences sabbathiennes. Mais aussi car la formation de Tony Iommi s’est vite retrouvée empêtrée dans les exigences des fans de Metal qui attendaient du gang qu’il réitère encore et encore les sonorités développées sur ses six premiers disques. Dès que le groupe a essayé de s’en éloigner, c’est à dire entre Sabotage et Never Say Die, les fans se sont mis à les bouder. L’histoire du projet durant les trois décennies sans Ozzy est une longue suite de déconvenues et de frustrations, le gang renonçant à suivre une voie expérimentale, décide plutôt de se conformer jusqu’à l’excès dans ce que le public attend d’un groupe Metal.
Cette démonstration est ensuite développée en suivant une classique trame chronologique reposant principalement sur l’analyse détaillée de chacun des disques publiés par le groupe (y compris les live albums et compilations sorties chez NEMS sans l’accord du Sab). L’ouvrage évoque également (quoique marginalement) la carrière parallèle de Ozzy Osbourne et les projets solo de Bill Ward et Geezer Buttler.
On pourra reprocher le caractère un rien répétitif et parfois complaisant de la trame, l’énumération du classement de chaque album dans les charts britanniques et américains et un luxe de détails dans l’analyse piste par piste des disques. Pour autant, Black Sabbath - Children Of The Grave est, à ce jour, la biographie de BLACK SABBATH la plus digeste et la mieux écrite en français qui ait été publiée.
Egalement publié (ainsi que plein d'autres choses) sur mon webzine Le fan de Metal