Mélancoliques mimoïdes
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Je ne sais pas exactement pourquoi la sauce n'a pas pris avec cet opus ce la collection Découvertes Gallimard sur le peintre Bonnard. Sans doute me suis-je mal organisée : j'aurais dû lire cet ouvrage, puis aller voir l'exposition qui se déroule en ce moment au musée d'Orsay. Au lieu de ça, j'ai d'abord écouté une conférence en ligne des deux commissaires d'exposition, puis j'ai enchaîné sur l'expo. Ce n'est qu'ensuite que j'ai lu "Bonnard : la couleur agit". Mauvais timing, sans doute, puisque j'avais alors, de fait, déjà pas mal d'informations en tête et que j'avais aussi commencé à me livrer à mes propres réflexions sur le sujet.
Il y a quelques points chez Bonnard, qui pour ainsi dire sautent aux yeux lorsqu'on regarde ses tableaux : sa passion pour la nature et les jardins, son utilisation de la couleur et de la lumière, le jeu entre intérieur et extérieur (et cela, Antoine Terrasse le traite), mais aussi la déconstruction de la perspective - et pas seulement lors de sa période nabi - qui l'a amené à utiliser des aplats de couleurs qu'on pourrait dire "en étagements" : là, je trouve que le sujet est abordé un peu trop légèrement, étant donné qu'il est totalement inhérent à l'ensemble du travail de Bonnard. de même, le thème de la mélancolie qui revient sans cesse dans l’œuvre, et qui n'est pas seulement le fait d'un artiste vieillissant, n'est guère exploitée . L'évolution de Bonnard, de la peinture nabi à des formes plus traditionnelles, n'est pas ou peu expliquée ; du reste, l'analyse de la période nabi se révèle vraiment très superficielle. Enfin, pas de regard un tant soit peu critique sur ce qu'on a appelé "le retour à l'ordre", et qui a concerné Bonnard mais aussi bien d'autres, dont Picasso. Bonnard était devenu, dans les années vingt, un peintre très à la mode, adulé des bourgeois : cela aurait peut-être valu qu'on y passe un peu de temps, comme dans l'ouvrage consacré à Vuillard dans la même collection. Je note d'ailleurs qu'il n'est pas précisé, dans la présentation qu'on nous fait d'Antoine Terrasse, l'auteur, que celui-ci était le petit-neveu du peintre (même s'il s'agit d'un historien de l'art reconnu). Or, c'est parfois un problème lorsqu'un membre de la famille se lance dans l'analyse de l’œuvre d'un ancêtre : il se peut qu'il éprouve des difficultés à se détacher d'un sentiment d'admiration sans bornes pour le génie de la famille. Je l'ai observé dans les cas de Camille Claudel et Paul Delvaux.
A l'inverse de ce que j'ai pointé plus haut, Antoine Terrasse reste très discret sur la vie privée de Bonnard. Je sais bien que j'ai plutôt tendance à me plaindre, en général, du trop-plein de détails matériels et les faits secondaires m'importent en général assez peu. Mais, ici, nous sommes face à un homme qui a eu essentiellement deux femmes dans sa vie, qui a vu une de ses deux maîtresse se suicider par noyade lorsqu'il a choisi d'épouser l'autre, et dont l'épouse, donc, s'est révélée atteinte de maladie mentale : toutes choses qui ont eu beaucoup d'incidences sur sa vie ; entre autres exemples, Marthe ne supportait pas la société et vivait plus ou moins cloîtrée, et le groupe des Nabis la détestaient plus ou moins. Ce ne sont pas de vulgaires détails. On avait aussi prescrit à Marthe des bains réguliers. Or, lorsque l'on ces songe à ces bains médicaux liés à un état pour le moins dépressif de la patiente (Marthe), ainsi qu'au suicide par noyade de Renée (la maîtresse éconduite), il me semble que tous les tableaux de Bonnard représentant une femme prenant un bain (et dont la tête est cachée, donc non identifiable) peuvent susciter bien des réflexions. Il est curieux qu'Antoine Terrasse ne se soit pas penché sur le sujet.
Pour toutes ces raisons, il me semble que "Bonnard : la couleur agit" constitue certes un livre qui aide à entrer dans l'univers de Bonnard, mais qui se donne trop de limites (même pour un Découvertes Gallimard) et ne se révèle donc pas suffisant pour une approche élémentaire de son œuvre et de sa vie.
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Créée
le 24 juin 2015
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