Lampedusa, Byron et Schopenhauer en prime
On connait Lampedusa essentiellement pour Le Guépard et encore pour beaucoup grâce au film de Visconti. Les qualités propres à ce grand auteur italien sont donc souvent ignorées ; son art de la distanciation et cette simplicité sans affectation qui est la sienne. Aussi cette capacité qui lui permet de discerner l’essentiel dans la comédie humaine, le sublime aussi bien que le médiocre et sans jamais appuyer. De son état d’origine, Lampedusa se trouva prince de la petite ile du même nom (celle-là même où échoue actuellement une partie de la misère du monde). Et quand les temps furent venus d’y renoncer, il le fit avec cette élégance qui démontra que ce titre n’était finalement pas usurpé et qu’il était bien un prince à sa manière. Il est donc aussi l’auteur de nouvelles que l’on trouve réunies en français sous le titre Le professeur et la sirène et qui sont d’un charme indéniable. On trouve par ailleurs, sous le titre italien de Letteratura inglese, un ensemble de textes consacrés à la littérature anglaise, issus des conférences qu’il prononçait régulièrement en sa maison, devant un public de jeunes amis. Outre un étonnant Shakespeare, on y trouve donc également ce très beau texte consacré à Byron qui se trouve être probablement la meilleure introduction à ce personnage hors du commun et à son œuvre propre. Introduction qui vous donnera certainement envie d’en savoir plus ; que peut-on demander de plus à une biographie. Je ne résiste pas au plaisir de retranscrire ici une anecdote, fort significative en elle-même, conté par Lampedusa et qui met en scène ô surprise ce brave Schopenhauer dans sa propre correspondance :
En 1819 Schopenhauer se trouvait à Venise en compagnie d'une jeune amie. Il écrit :
" Nous nous promenions sur la plage du Lido, Alina et moi, lorsque nous entendîmes derrière nous le trot de deux chevaux. Nous nous écartâmes et Lord Byron passa devant nous avec un ami. L'incroyable beauté de sa personne, le regard pénétrant et voluptueux qu'il lança sur Alina, l'effet visible que ce regard eut sur ma jeune amie, me firent comprendre que la trahison était déjà potentiellement sûre. Le lendemain matin je jugeai donc plus prudent de chercher refuge à Padoue."