C'est pas la fin du monde.

Une vraiment bonne découverte de l'auteur.

Recueil de nouvelles.
Avec des personnages, ou des éléments qui traversent plusieurs histoires, dans l'anecdote qui fait sens. Ou juste sourire. Avec toujours, du coup, cette impression que le monde tourne en rond, se croise et se décroise, qu'on est tous embarqués dans la même galère.


Des histoires de tous les jours, avec une pointe de folie, de surréalisme, d'onirisme, de légende, d'épopée.
Des phrases qui incisent parfaitement bien dans le quotidien des gens. Qui frappent directement là où il faut.
Du fantastique, des bouts de dieux (Atkinson s'amuse à replacer les grands mythes dans ces histoires du quotidien et ça part toujours dans tous les sens).

Charlene et Trudi font des listes. Listes de cadeaux. Listes de mots. Listes d'envies. Elle invente un monde merveilleux, Pleasureland, au milieu du rayon des miel d'un supermarché.
Elles sont seules, perdues, elles s'accrochent l'une à l'autre.
On les retrouvera dans la dernière nouvelle. A clôturer toutes les histoires. Parce qu'elles s'en racontent l'une à l'autre, pour échapper à leur morne quotidien.

Eddie le gamin fermé dans son monde, qui rêve de devenir un poisson. Il cherche l'affection d'une mère qui l'oublit constamment, mais qui l'aime... qui voudrait juste qu'il ne soit pas si silencieux, si différent... Un enfant qu'elle aurait désiré dès le départ. Pas un résultat de vacances d'été.

Les Zane. Que des filles. 7. Leurs parents, polonais, les Zanowski, installés aux Etats-Unis, ont prospéré gentiment dans la bourgeoisie. Les filles, certaines, rêvent de découvertes, de retour aux sources, de révélations génétiques...
Mais... Etrangement, elles meurent, disparaissent, restent bloquées... des plus ou moins tragiques destinées. Toujours ironiques et fatales.

Chez Simon et Rebecca c'est différent. Plus terre à terre. Deux ados : lui passe son temps à jouer à Tekken, à écouter Korn ou Slipknot, à rêver de sexe, à avaler les épisodes de Buffy, à piquer dans les magasins et à se viander en skateboard.
Elle, petite tête bien remplie, sort avec ses copines pour des séances de shopping, s'endort sur les Variations Goldberg, veut réussir et s'enfuir de ce monde étriqué.
La mère tente de maintenir toute la famille liée, mais elle ne comprends rien et personne. Elle écoute Classic FM, et veut que son Barbu s'installe avec elle, l'aide à refonder une famille "normale". A sortir la tête du trou.
Atkinson, certes use de clichés mais le fait bien. Et c'est dans cette écriture qui colle au réel qu'elle excelle je trouve. Les pensées des gens insérés dans le texte, en italique, entre deux actions-descriptions, c'est absolument parfait de rythme, de sensation, de mouvement.
C'est ultra sombre et cynique sur la vie de famille. Très triste au fond. Et avec pas mal de colère.

Shirley, prostituée, apprend qu'elle est condamnée. Elle entraîne son fils Addison dans un quartier huppé. Là vit son père. Scène terrible de confrontation entre les deux familles. Fossé. Violence. Traumatisme.
Des années plus tard, Addison est avec Clare. Sans trop savoir comment ou pourquoi, il est marié et bientôt père à son tour. Il se laisse entraîner. Perd pied. Tente de comprendre.

Missy la nurse redresseuse d'éducation s'occupe d'Arthur, enfant de star. Étonnamment ouvert d'esprit, intelligent, il est un petit régal pour Missy. Ensemble, ils font le tour des musées et des loisirs éducatifs.
La mère se débat dans sa vie de showbusiness.
Décalage.
Et si c'était possible de se laisser entraîner ailleurs, un peu plus loin. De s'échapper... ?

Histoire terrifiante du sosie. Qui m'a rappelé L'autre comme moi de Saramago. Fielding s'aperçoit qu'un autre vit sa vie, et fait des choses qu'il n'oserait jamais imaginer. Fielding est misanthrope, et aime sa vie planquée. Son sosie est fêtard, et un vrai tombeur. Seulement c'est parmi ses collègues de travail qu'il opère. Et bientôt les histoires et les retombées vont se faire de plus en plus oppressante. Une spirale de l'infernal aspire Fielding.

Un chat rabougri abandonné "s'installe" chez Heidi. Il grossit. Devient énorme (aussi gros qu'un homme). Et devient le maître de maison. Heidi se plit à ses volontés. Il ramène des petits oiseaux de ses chasses nocturnes... puis plus il grossit, plus ses proies deviennent conséquentes... jusqu'à ce qu'il soit assez difficile et perturbant de s'en débarrasser.
Heidi a peur. Mais se sent moins seule.

...

Des histoires prenantes, efficaces. Des gens qui pourraient être nos voisins, nos amis, notre famille. Nous. Efficacité du ton entre ironie, cynisme, tendresse, et empathie.
Jamais mielleux, ni moralisateur. Qui frôlent avec le conte, la fable, le merveilleux.

Je n'ai plus qu'à m'attaquer à autre chose d'Atkinson : un vrai régal.
Queenie
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le 17 janv. 2011

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