Cargo vie par FabienneGooset
Voici un court récit (une bonne centaine de pages) qui pourrait illustrer l’alliage parfait du fond et de la forme, concept très souvent cité en exemple par nos anciens professeurs de lettres. J’y suis venue un peu par hasard, à la lecture du titre qui me rappelait celui d’une chanson d’Axel Bauer « Cargo de nuit ». Comme de quoi, tous les chemins mènent à Rome... Mais la ressemblance avec Bauer s’arrête à la pure phonétique car l’atmosphère qui se dégage de ce journal de bord est avant tout d’une luminosité aveuglante.
Pourtant le narrateur annonce directement la couleur : il est atteint d’un sida avancé et souffre d’un double abandon : celui de l ‘homme de sa vie et de sa santé. Cependant, rien de larmoyant ou de révolté : Pascal de Duve nous invite à partager un optimisme qui n’est ni factice ni exagéré. Ses traits d’esprit, aussi fulgurants qu’intellectuellement savoureux, ses jeux de mots, ses jeux de sons, ses néologismes et son maniement de la langue hors du commun ajoutent encore à notre bonheur de lire un écrivain qui, même si le découragement le guette au coin de la journée, ne cesse pas pour autant de proclamer avec assurance son émerveillement quotidien devant la vie. Ce journal d’une mort annoncée ne livre pas à proprement parler de recettes miracles pour envisager la maladie ou la mort mais il interpelle, bouscule, pose les bonnes questions et oblige le lecteur à puiser au fond de lui les ressources nécessaires pour ne cesser de croire en la Vie avec un grand V.