Le réel, la lumière et la mort
Que dire de cette oeuvre poétique des plus atypiques? Atypique? Toute oeuvre poétique ne l'est-elle pas à sa manière? Il faut se demander ce que Philippe Jaccottet, l'auteur suisse de cette oeuvre, a voulu véhiculer en écrivant ce recueil. Il est avant tout question de son état d'esprit. Ce peu de bruits est avant tout marqué par la mort. Une question, un mystère omniprésent entre ces pages. C'est à la fois le premier évoqué dans le livre car celui-ci commence par un obituaire et de même, quasiment chacune de ses notes ou de ses poèmes se termine par une allusion à la mort. Une ambiance très mélancolique donc mais l'on devine qu'elle n'est nullement l'essence de l'humeur de Jaccottet, il évoque en effet plusieurs occasions de fêtes et de moments de joies avec ses amis aujourd'hui disparus.
Avant d'être des poèmes, ses écrits ici sont avant tout de simples notes (très empreintes de visions poétiques évidemment.) Car Jaccottet donne une importance capitale au réel, surtout peut-être lorsqu'il décrit ses rêves. Que sont les rêves sinon une réalité augmentée à la lumière de l'esprit? Sont-ils moins réel que la réalité elle même? C'est cette mise en abyme parfois angoissante (et qui, sans avoir peut-être le cachet des considérations qu'a Nolan sur les rêves dans Inception, n'en sont pas moins profondes et transcendantes.) qui donne tout son charme à ces courts passages.
La lumière aussi est capitale dans toute l'oeuvre, prêtez donc attention aux allusions sur le soleil, les reflets et les couleurs que l'on peut trouver un peu partout. En effet, c'est la lumière qui nous permet la vue, et donc les descriptions du réel qui nous sont données ici.
Et ce réel, c'est l'ancre à laquelle s'accroche Jaccottet par la lumière afin de ne plus craindre la mort, afin d'être touché par la grâce de l'instant qui est donné dans ce qui l'entoure, même si cela ne doit durer qu'un instant, même si cela l'oblige à regarder en arrière avec nostalgie vers ceux qu'il a aimé.
Ce peu de bruits que l'on a peine à entendre, c'est cette nature à laquelle on accorde trop peu d'importance mais qui, si l'on tend l'oreille, si l'on donne à nos yeux le temps nécessaire pour s'accoutumer aux brumes du monde et voir au-delà ce qui est juste là, à nos pieds, c'est le cri silencieux du monde qui appelle à vivre ici et surtout maintenant.