Salomon sera seul cette année pour fêter Pessah, la Pâque juive. Enfin seul… avec toute sa famille : ses deux filles, Michelle et Denise, ses deux gendres, Patrick et Pinhas, ses deux petits-enfants, Samuel et Tania. Seul ? Oui, sa femme, Sarah, est morte depuis deux mois. Des images de l'enterrement hantent l'esprit du vieil homme, encore étonné, le matin, au réveil, de ne pas la sentir auprès de lui.
Il va devoir se ressaisir car ce soir, il se doit d'assumer son rôle de patriarche, ne serait-ce que pour que ses filles ne gâchent pas la fête en s'étripant, comme elles ont coutume de le faire si souvent !
Il sera là pour diriger ces deux soirées de Seder (l'anniversaire de la Sortie des Juifs d'Égypte) et raconter, étape par étape, dans un cérémonial bien ordonné et parfaitement réglé comme il est écrit dans la Haggada - respect des rites oblige - l'histoire du peuple juif, autour de plats qui se succèdent un à un : verres de vin, légumes trempés dans de l'eau salée, pain plat (la Matsa), herbes amères, raifort, salade...
(Merci au passage pour cette magnifique initiation aux rites judaïques que je ne connaissais pas et qu'on a le sentiment de partager à la lecture de ce texte !)
Mais sans Sarah, ce soir, ce ne sera pas la même chose.
Et pourtant, il ne pourra certainement pas s'empêcher de lancer quelques « blagues concentrationnaires» bien déplacées, sa spécialité, qui faisait crier Sarah ; ses filles se disputeront, l'une pleurera ; les enfants poseront des questions et observeront avec intérêt et un brin d'ennui, maintenant qu'ils ont grandi, ces rites qu'ils vivent chaque année.
En attendant, à l'aube de ce grand jour, seul dans son lit, Salomon revisite son passé : sa rencontre avec Sarah, la naissance de ses filles, ses angoisses de père… De souvenirs lointains en impressions encore très vives, de rêveries éveillées en errances de la pensée, Salomon raconte ce que fut sa vie, de sa déportation à Auschwitz à ses dernières années auprès de la femme qu'il aimait.
On sourit, on rit parfois de scènes qui frôlent la comédie mais le plus souvent, c'est l'émotion qui nous gagne car on sent entre les lignes tout l'amour de cet homme pour sa femme, sa famille, la vie qu'il va bientôt quitter.
Ce soir, pense le vieil homme, ils devront aussi parler de cet héritage qu'a laissé Sarah : achèteront-ils une maison où se retrouver tous ? Arriveront-ils à se mettre d'accord ?
Michelle arrivera bientôt pour l'aider à préparer le repas… Il va devoir se lever… Son souffle est court, sa respiration difficile… Aura-t-il la force, le courage d'assumer ce rôle qu'il a toujours tenu ?
Un très beau texte, d'une extrême sensibilité : le récit poétique et plein d'émotion d'une magnifique histoire d'amour, celle d'un vieil homme qui sait, au fond, qu'il est bien difficile de survivre à ceux qu'on aime...


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le 2 juil. 2018

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