Avec cette plongée vertigineuse dans le capitalisme sauvage des chasseurs de têtes, Clémence Boulouque raconte comment un homme se déshumanise.

Frédéric Marquez est ambitieux. Sûr de lui et toujours gagnant. Après des études brillantes en France et aux USA, il intègre une banque et progresse rapidement dans la hiérarchie faisant ses classes à Londres. C'est là qu'il est contacté pour la première fois par Sonia, une chasseuse de têtes. Un premier contact froid, Frédéric ne désirant pas changer d'emploi dans l'immédiat. Mais l'impensable arrive et il tombe sous le charme de cette femme audacieuse et active. Il l'invitera à dîner et en même temps qu'il la découvre, il en apprend beaucoup plus sur ce travail de l'ombre. Sonia lui explique que le "problème de ce métier, c'est l'argent et le pouvoir. Beaucoup viennent à la chasse pour de mauvaise raisons, vous mettez en place des dirigeants ou des cadres importants, certains vous demandent de les conseiller pour des décisions à prendre, s'en remettent à vous, ou presque, pour se faire aiguiller, des confiances se nouent, aux allures de dépendance... Vous savez ce qui se passe dans de nombreuses entreprises, vous avez le pouvoir de l'ombre. Et puis, si vous êtes futé, en travaillant nettement moins, vous gagnez presque autant qu'un banquier". Pour la séduire, ou mieux la connaître, Frédéric va intégrer un cabinet de recrutement et devenir en peu de temps un des éléments les plus performants. Il travaille beaucoup et dans ce milieu c'est peu de le dire quand vos collègues vous demandent si vous prenez votre demi-journée lorsque vous partez vers 20 heures... Chasseur de têtes sans scrupule, Frédéric ne parvient cependant pas à entraîner dans sa vie Sonia qui reste fidèle à son compagnon. Ils sont amis, partent souvent en chasse à l'étranger ensemble, mais passé les premiers moments magiques, quelque chose se dérègle dans leur relation et Frédéric Marquez de noter "C'est à cette période-là que j'ai commencé à la perdre. De plus en plus souvent, quand je la blessais, je sentais un fourmillement de bonheur me monter dans le corps". Lentement mais sûrement, le héros est en train de changer. Il n'en a pas conscience, mais c'est évident. Il se déshumanise en orientant sa carrière vers la grande manipulation. Il se persuade de plus en plus qu'il est le champion à ce petit jeu jusqu'à l'apparition de Richard Pétrel, considéré par Frédéric comme un "candidat sans consistance". Sa description est abominable : "Tout ce qu'il revêtait semblait de piètre qualité. Son imperméable était un peu froissé. Son écharpe lui mangeait le cou. (...) Avec ses toussotements, sa façon de s'éclaircir sa gorge comme s'il allait parler même lorsqu'il ne disait rien, il m'a insupporté dans les premières minutes de l'entretien." Richard Pétrel, la quarantaine tranquille, brillant sans être exceptionnel, avec une vie de famille rationnelle et équilibrée. C'est cette image qui va avoir de graves conséquences pour Frédéric, précipitant son passage dans le côté obscur du métier, là où on commence véritablement à considérer les candidat comme du simple gibier. Clémence Boulouque parvient même dans son écriture, de plus en plus synthétique au fil des pages à nous faire prendre conscience des transformations de Frédéric. Il croit manipuler les acteurs du système mais n'est-il pas lui aussi une simple marionnette obéissant à ces fils invisibles tirés par d'autres ?
litout
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le 12 déc. 2010

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