Impossible de ne pas dissocier le livre et son sujet, tant l'un se fait dévorer par l'autre à plusieurs reprises. Sur le livre lui-même, il faut saluer le travail d'enquête pendant six ans (le minimum syndical pour un tel personnage), la documentation qui, si on la lisait intégralement, multiplierait la taille de l'ouvrage par cent. N'oublions pas non plus l'honnêteté du traitement car, sans vouloir réhabiliter un personnage (injustement ?) contesté, Kalfon parvient, en s'affranchissant de l'approche partisane que pouvait revêtir la chasse aux sorcières des U.S.A., à redonner une image humaine et probablement la plus proche possible, du plus célèbre des guérilleros.

Voilà donc qu'Ernesto entre en scène et le communiste (plutôt radical) que je suis, doit reconnaitre certains faits parfois peu reluisants, en particulier à propos de Castro, homme intelligent (malin comme un singe), doué avec les médias, qui installa rapidement une bureaucratie cubaine bien loin des projets qu'il avait au départ pour l'île caribéenne. Un Castro qui prit rapidement goût au confort matériel et demanda aux Cubains des efforts qu'il était incapable de s'appliquer à lui-même. Un Castro qui finit par avoir un comportement plus qu'ambivalent envers le Ché, coupable d'orthodoxie idéologique.

Face à lui un Ché aux convictions pleines de constance (denrée rare de nos jours), mais totalement incompétent à la tête de la banque de Cuba et trop obstiné dans sa volonté de mettre en place la planification. Mais un Ché authentique, qui prônait et théorisait l'Homme Nouveau, préférait pour les travailleurs les stimulants moraux aux stimulants matériels. Un Ché ministre de l'économie (particulièrement mauvais) qui allait couper gratuitement la canne à sucre chaque week-end, car adepte du travail volontaire Bref, un homme qui se voulait exemplaire et n'a jamais perdu ses idéaux et a refusé la compromission qui prit possession de Castro.

Mais Un Ché guérillero surtout, qui voulait étendre la révolution à toute l'Amérique Latine...sans jamais y parvenir. Un Ché qui se vautra totalement dans sa tentative de faire se soulever le Congo et revint incognito à Cuba, la queue entre les jambes. Un Ché qui fut incapable de rééditer l'exploit de la révolution cubaine en Bolivie et qui, parti d'une erreur stratégique de base (le choix du lieu du QG), transforma cette révolution bolivienne en longue errance qui se transforma peu à peu en agonie d'un groupe d'hommes. Un Ché qui ne mourut pas au combat mais fut lâchement exécuté.

Mais un Ché qui n'a rien d'un monstre sanguinaire et assoiffé de sang, un Ché qui relâchait les prisonniers qu'il faisait en Bolivie, même lorsque ceux-ci refusaient de rejoindre sa révolution. Un Ché qui n'a tué qu'au combat sans jamais se livrer aux exactions qu'on a voulu lui mettre sur le dos. Un Ché bien loin de l'atroce guérillero que la C.I.A. a tenté de nous vendre.

Voilà ce que je garderai dans le coeur: un homme cultivé à l'extrême, un homme aux convictions gravées, un homme droit jusqu'à l'antipathie, un homme loin de cette molle tiédeur qui caractérise ce qui nous sert de personnel politique. Un homme qui avait en lui tout ce qui manque aujourd'hui: la volonté, la sincérité, la détermination, l'empathie. Bref, un homme jamais remplacé. Je ne suis pas objectif ? Lisez ce livre et revenez en discuter, ce sera avec plaisir...
Jambalaya
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le 21 janv. 2015

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