Michael Harvey est le créateur, l'auteur et le producteur exécutif d'une célèbre émission télévisée américaine Cold Case Files [à ne pas confondre avec la série TV de France 2]. Il vit à Chicago où il y est également propriétaire d'un bar. Il connait donc parfaitement le travail d'investigation sur les dossiers classés et sa ville sur le bout des doigts. Associés à une belle verve (belle adaptation de Leslie Boitelle), ces éléments permettent de proposer aux lecteurs un premier roman maitrisé de bout en bout.
"- Une Guiness.
Calé sur mon siège, je savoure le rituel. Le verre, bien frais, est coincé contre le cuivre. Le jet s'écoule proprement. Après avoir rempli ma pinte aux trois quarts, la fille la dépose sur une boite en bois au-dessus de la pompe et, le temps que le breuvage repose, elle vide un cendrier, prend commande d'un petit déjeuner irlandais et sert une Smithwick's. Quelques instants plus tard, elle finit de remplir mon verre avec un trait de Guiness aussi doux et mousseux qu'une crème de jour."
La caractérisation des personnages nous laisse sous le charme des différents protagonistes, la mise en place de l'histoire est efficace, les chapitres se succèdent sans temps mort et l'intrigue évolue de manière logique et compréhensible, en seulement 278 pages.
"En toute logique, la flicaille de Chicago devrait m'attendre à ma porte. Au lieu de quoi, j'y trouve le journal dominical et une blonde du samedi soir. Pas forcément dans cet ordre-là.
Elle m'éparpille un sourire aux quatre coins du paillasson. J'avance d'un pas pour m'en imprégner au maximum. Elle n'a pas encore ouvert la bouche et je me dis qu'il vaut mieux en profiter... J'ai raison."
Ces différents ingrédients permettent de savourer ce cocktail, qui peut être interprété comme étant une très jolie déclaration d'amour d'un romancier pour la ville dans laquelle il vit désormais. Difficile de ne pas évoquer Michael Connelly et son héros Harry Bosch qui navigue également dans les eaux sombres des dossiers classés.
"Dans un silence soudain pesant, je sens le poids des années se matérialiser entre nous. Il ne s'agit pas de l'intimité amoureuse insouciante, ni d'une simple amitié. Une relation pareille ne peut se nouer qu'entre enfants. Peut-être l'avez-vous déjà vécue une fois mais, plus souvent, plus souvent, plus vraisemblablement, ça n'arrive jamais."
Peut être qu'un des éléments clefs dans l'identification du lecteur au héros, Michael Kelly, se produit quand l'auteur utilise ce dernier pour s'adresser directement à nous. Cela arrive une fois dans l'histoire, mais cela nous prend à témoin et nous permet, à l'évocation de ce simple fait, de nous souvenir. Comment parvenir à faire comprendre à son lecteur, la clef d'une relation à la fois simple et compliqué entre deux personnages ? En sollicitant le lecteur et en faisant appel à son expérience. Définitivement le type de passage qui va permettre de conquérir le lecteur et de lui permettre d'avoir une confiance aveugle en ce personnage.
"Je croise les jambes. Elle m'imite en mieux."
Et cette bienveillance va donner une petite touche particulière au roman. Ce mélange de douceur et de mélancolie va accompagner le lecteur du début à la fin et lui donner une seule envie : se ruer l'année prochaine sur the Filth Floor, second roman de l'auteur avec Michael Kelly, qui sera lui aussi publié par les éditions du Fleuve Noir.
Frédéric Fontès
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