Grandeur et perdition

"Comme des Lions" a un but: montrer que les clichés véhiculés sur la Bataille de France de Mai-Juin 1940, notamment par les Américains après le refus de la France de s'engager en Irak en 2003, ne sont qu'un tissu de mensonges.
Cette bataille est la plus grande défaite de l'Histoire de France et le traumatisme a largement dépassé les frontières de l'hexagone.
Quelles en sont les raisons? Elles sont essentiellement doctrinales et politiques. C'est-à-dire que la faillite française est due au haut commandement et à la faiblesse de ses hommes politiques qui firent preuve soit d'incompétence soit de défaitisme.
A l'inverse la plupart des unités engagées firent preuve d'un courage incroyable. Les combats furent d'une violence extrême avec 92 000 soldats français tués et 250 000 blessés, sans parler des 2500 chars et 900 avions détruits. En face la Wehrmacht déplore 49 000 tués et 111 000 blessés + 1800 chars et surtout 1400 avions qui manqueront la bataille d'Angleterre. Est-ce que l'on peut parler de "victoire facile" pour reprendre l'expressions d'A. Beevor (spécialiste américain de la WWII et qui en tant qu'historien se permet des jugements de valeur... J'aurais bien aimé l'y voir...)?
En effet en travaillant largement à partir d'archives militaires, françaises et allemandes, D. LORMIER nous présente plusieurs témoignage de première main qui sont édifiants. En effet les premiers à reconnaître le courage des soldats français sont les Allemands eux-même. C'est le général allemand Von Reichenau, commandant la 6e armée allemande qui déclare que "les troupes françaises engagées sur la Somme en juin 1940, se sont battues comme des lions!". Le village de Stonne, qui changea 17 fois de main au cours d'une même journée raviva le souvenir de Verdun dans les esprits allemands. Le Général Waegar rendra les honneurs de guerre aux défenseurs français de Lille en les laissant défiler en armes devant ses troupes, eux qui durant 4 jours stoppèrent 7 divisions qui auraient pu intervenir sur Dunkerque.
Dunkerque qui symbolise le sacrifice de l'armée française, laquelle assura seule la défense de la ville au sol pour permettre l'évacuation du corps expéditionnaire britannique et d'une partie des troupes françaises. Les Allemands furent les premiers à reconnaître que ce fut un tournant de la guerre car cela permit aux Britanniques de poursuivre la lutte, eux qui perdirent certes beaucoup de matériels, mais ne laissèrent "que" 3500 tués sur le sol français. C'est bien la résistance des troupes françaises, de même que la participation de la marine française et des flotilles de pêche aux côtés de celles de britanniques qui permit cela (ce que les bandes annonces du film de Nolan ne montre malheureusement pas......).
L'appel du maréchal Pétain à déposer les armes le 17 juin sonne le glas d'une résistance désespérée mais acharnée qui d'après les témoignages de l'époque confirmait un véritable sursaut national et un patriotisme ardent, du moins dans les rangs de l'armée. La faillite ne fut donc pas morale mais bien stratégique et politique. Les coupables sont Gamelin, Weygand, Pétain. Parfois des soldats français refusant le déshonneur et souhaitant poursuivre les combats même après le 17 juin se retrouvèrent face à une partie de la population et des administrés...
Certains anglo-saxons adeptes du "French bashing" aiment donc à dire que "France = White flag" en faisant sans cesse référence à cette année de 1940. Ils oublient que l'ennemi était largement supérieur et que les Français lorsqu'ils étaient bien employés ont toujours "donné des exemples étonnants de bravoure" (karl-heinz frieser). Sans la Manche, l'armée britannique aurait été écrasée de la même façon. Les armées américaines n'étaient pas encore impliquées dans le conflit, l'URSS avait pactisé avec l'Allemagne nazie. La France était donc seule ou presque (Les hollandais, les belges et le corps expéditionnaire britannique ne doivent pas être oubliés, mais en proportion leur participation demeurait assez faible) en première ligne face à la meilleure armée du monde à l'époque.
Ils oublient aussi que la lutte continua par la suite. Après Bir-Hakeim où la brigade des forces françaises libres du général Koenig résistèrent héroïquement aux germano-italiens de Rommel et permirent à l'armée britannique de se réorganiser, Hitler eut les mots suivants auprès de son état-major, composé de militaires qui avaient tous en mémoire les combats incroyables de la 1ère guerre mondiale: "c'est bien une nouvelle preuve de la thèse que j'ai toujours soutenue, à savoir que les Français sont, après nous, les meilleurs soldats d'Europe". La lutte se poursuivra pour les FFL et la Résistance, de l'Afrique à l'Allemagne en passant par l'Italie et la France. Si la contribution de la France est loin d'être comparable à celle de l'URSS ou des Etats-Unis, la bravoure des FFL et des résistants qui perdront plus de 90000 hommes au combat, permettra à la France de siéger à la table des vainqueurs en 1945.
Dominique Lormier le rappelle grâce à cet ouvrage de vulgarisation (mais sérieux puisqu'il cite toujours ses sources) qui se lit d'une traite et qui rend hommage à nos grand-parents qui se sont sacrifiés face au totalitarisme.