Homosexualité et homophobie - petit cours en forme de manifeste rationaliste

Le titre de ce petit opuscule est trompeur : il ne s'agit pas d'éducation sexuelle au sens large, mais bien de l'intégration des amours homosexuelles à l'éducation sexuelle telle qu'on la trouve en fin de lycée et plus probablement à la fac au Québec. Et, au vu de l'état encore sensible de la question, le premier pas à faire est de la ramener dans le champ de la réflexion au travers d'une défense en bonne et due forme, sous l'angle de sa normalité, de ses possibles causes, et de l'inanité de ses détracteurs. D'où que ce texte prenne souvent la forme d'un texte de combat, engagé, résolu dans ses outils idéologiques.


Tout ceci est à mon sens important, pour une société qui se voudrait inclusive. D'une part par simple soucis d'équité, d'autre part parce que les comportements qu'on croit minoritaires/déviants enseignent toujours quelque chose sur ceux qu'on pense majoritaires/normaux, enfin parce que les jeunes LGB (et T, mais l'auteur n'aborde pas cette question) sont plus soumis aux pensées suicidaires et aux passages à l'acte que les jeunes de leur génération.


C'est la question de la normalité, la plus souvent posée, qui guide le propos et segmente la première partie de l'ouvrage.



  • L'approche ethnologique montre clairement la variabilité de ce qu'on considère normal en matière de sexualité à la surface de la planète ;

  • Le monde animal, c'est désormais bien documenté, n'est pas non plus en reste - s'il y a une normalité naturelle, elle inclut les actes homosexuels ;

  • Du fait de la variabilité entre les groupes humains, les arguments de normalité statistique ou morale ne permettent pas de conclure, sinon de façon relative à un groupe donné, à un moment donné de son histoire ;

  • Psychologiquement, en revanche, l'homosexualité ne s'opposant pas à un développement harmonieux (toutes choses égales d'ailleurs, ce qui le plus souvent fait encore problème), elle peut en revanche est dite normale - au sens où elle n'engendre nulle pathologie ni mentale, ni sociale.


Cela dit, comme à tout esprit curieux des choses diverses, se pose la question des causes. La seconde partie de l'ouvrage s'intéresse donc aux étiologies.



  • Non ce n'est pas un choix. Comment penser que plus de 2% de la population ferait un choix qui, dans la plupart des pays du monde, mène à une très pénible discrimination sociale, à des violences parfois mortelles ou à la répression par la loi ?

  • Il est peu probable que l'environnement y ait quoi que ce soit à dire : ce n'est pas la conséquence d'une expérience précoce, de l'influence d'un modèle, de difficultés avec le sexe opposé, de manque d'amis de même sexe dans l'enfance, d'un certain type de relation au parent (histoire de régler ses comptes à certaine psychanalyse incarnée par Clerget).

  • Il est en revanche très probable qu'il y ait des causes biologiques. On retrouvera ici, très résumées, les thèses de Balthazart et Le Vay, entre autres (influences hormonales congénitales et sensibilité génétique probable).


Qu'on soit d'accord ou non avec ces thèses (pour ma part, si je crois assez clairement à une détermination biologique de l'instinct sexuel et de la détermination de l'objet d'attraction préférentiel, je suis loin de croire que le social ou les expériences passées pourraient n'avoir aucune incident sur l'expression d'une sexualité homosexuelle ou hétérosexuelle), il n'en reste pas moins que se pose alors une autre question, qui permet à l'auteur de clore son livre : pourquoi l'homophobie perdure-t-elle ?


Les deux derniers chapitres sont consacrés à une attaque en règle contre l'homophobie en tant qu'elle s'est identifiée avec le religieux. C'est sans doute dans ces pages que l'aspect pamphlétaire est le plus vif. D'un rationalisme militant, se réclamant de celui des Dawkins, Hitchens et Harris, l'auteur présente le raisonnement religieux somme toute comme une défaite de la raison, explicable dans les termes de la psyché humaine. Les croyances religieuses au fond ne servent à rien, ni la connaissance, ni à la spiritualité. Point final.


La violence du propos doit être replacée dans un cadre social où il y a une réelle violence de certains croyants sur le reste de la société - qui ne saurait être comparée à la coercition en retour du champ social, qui refuse d'accéder à la demande du croyant de pouvoir exercer sa propre violence à l'égard de telle ou telle classe d'individus cultuellement/traditionnellement désignée. Je ne souscris sans doute pas à la radicalité du discours - à la différence de Doucet, j'ai une petite compréhension de ce que "croyant" peut vouloir dire, et vouloir dire de beau - mais je peux en comprendre et les arguments, et les raisons. Mais c'est sans doute ainsi, je pense, qu'il justifierait son titre : l'éducation sexuelle ainsi entendue amène à exercer les pouvoirs d'examen critique de sa raison.


Au final, rien de tout cela n'est très neuf, ni n'a prétention à l'être : il s'agit après tout de matériaux que l'on peut invoquer en un cours. Le livre est d'ailleurs plaisamment parsemé d'exemples de discussions avec des élèves et, pour parcourir son champ, déploie une histoire qui pourrait faire l'objet d'un semestre d'enseignement. C'est dans l'ensemble plutôt plaisant à lire et bien documenté, si de parti-pris.

Kliban
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le 1 févr. 2016

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