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Fiche technique

Auteur :

Bénédicte Heim
Genre : RomanDate de publication (pays d'origine) : 2014Parution France : 30 octobre 2014

Éditeur :

Les Contrebandiers
ISBN : 9782915438611

Résumé : Un seul homme est à ce point de dos. Un seul à ce point. C'est à peine pensable d'être à ce point retourné. Des hommes, pourtant, il y en a à foison, il y en a foule, une foule ou du moins une bonne poignée. À saisir, à presser ? Non, à prendre entiers et d'en haut. La plupart sont obliques et fluctuants. Un seul est à ce point de dos. A ce point détourné. Un autre est tout à fait de face. C'est le seul, lui aussi. Et un troisième offre son profil, bien découpé. Pourquoi trancher, se demande-t-elle. Elle choisit tout, elle prend tous ceux dont les traits s'accusent et mordent au vif. Il y a des hommes qui pleuvent dru et s'étendent loin et d'autres qui piquent circonscrit mais percent au plus profond. Et puis il y a celui-là dont le regard seul suffit à trouer ton corps. Le regard ? Non pas même. Le seul fait de son nom. L'intraitable réalité de son nom qui s'affiche. Son nom seul proféré et ton corps se fait béance où toute ta vie s'engouffre. Mais il y a le souffle si doux de celui qui t'enveloppe comme un murmure. Son clair visage lunaire. Tout en lui est frais et tout est en friche, perpétuel renouveau. Lent labour labile. Et la floraison s'invite dans le temps même de latence et de germination. Il y a celui qu'il te faut débusquer au coeur des fauves broussailles, au coeur du fauve surtout, et ça pique, ça herse, sarcle et déchire, ça brûle partout dedans dehors, mais c'est ce que tu aimes et convoites. Celui, le même, qu'il te faut traquer dans les plus faibles flux et bas régimes, dans les nuits piquetées d'aucun éclat et les bassins sans eau, ceux où grand est le risque de se fracasser la colonne. Celui qui te répond trait pour trait et sang pour sang. Celui qui fait de même en négatif, cran d'arrêt qui t'attaque à coups d'absence et dont les retranchements, vols planeurs, vols piqués si loin en bordure d'horizon, chaque fois font mouche. Et celui qui coud des arabesques en transparence et dans les interstices. Il y a lui, le seul au centre, qui bouge tes gestes, parle tes silences, te donne de la voix, se tient si longuement, à en tomber, sur la route crêtée, la roue crantée de votre langue commune. Lui qui te tenait tout entière dans sa main. Ouverte. Qui te tenait tant et si bien que ses contours à lui, longtemps se dissipèrent. Ce fut le temps de l'indistinction qui tranche la gorge, coupe la voix et les mains. Tu étais en lui comme en pays perdu. Il était ton natif pays perdu. Il fallut, non pas un retour amont mais, à partir de rien, réinventer les origines, pétrir et aviver le corps nouveau-né.