J'ai été assez déçue de cette lecture. Jean-François Amadieu fait l'inventaire des discriminations observables en entreprise. Parfois à raison, et parfois avec une bonne dose de mauvaise foi...
Point positif, le livre est bien sourcé. Cependant, pour quelle finalité ? La seule mesure réellement défendue par l'auteur est le CV anonyme. Pour le reste, aucune piste de solution ne sera apportée, ce qui est assez problématique.
La première partie du livre porte sur le recrutement : il s'agit surtout d'une chouinerie sur les discriminations et les vilains recruteurs qui cherchent n'importe quel critère pour pouvoir rejeter injustement des candidatures. La solution proposée ? Le CV anonyme. L'auteur a au moins l'honnêteté de traiter la question de l'étude qui a montré que ce mode de sélection ne bénéficiait pas plus aux candidats.
Jean-François Amadieu fait preuve d'une mauvaise foi très agaçante et n'a probablement jamais recruté lui-même. En effet, choisir, c'est discriminer, par définition. Et si l'on peut s'accorder sur le fait que certains critères ne devraient pas être pris en compte, il faut aussi tenir compte du contexte dans lequel travaillent les recruteurs. Lire des CV, les trier, organiser des entretiens, envoyer les réponses prend beaucoup de temps. Dans un monde utopique, toutes les candidatures seraient traitées avec objectivité (d'ailleurs cela viendra peut-être avec l'IA ?), mais dans la réalité, les recruteurs font au mieux avec les ressources qui sont les leurs. Ce qui implique parfois de faire des raccourcis (ex : on peut se demander si une personne qui ne soigne pas son apparence soignera plus son travail). L'IA n'était probablement pas encore un sujet en 2013, année de parution du livre, mais dans l'éventualité où une IA très performante pourrait mener un processus de recrutement de A à Z, je ne suis pas sûre que l'on ne pourrait pas trouver de discrimination, vu que les profils recrutés seraient probablement très standards et similaires.
Je note aussi que l'auteur critique les méthodes moins "classiques" (type tests, assesment centers) que le CV p 71 mais qu'il en fait les louanges p 82.
L'entretien n'est bien sûr pas une meilleure solution puisque les candidats peuvent mentir ! L'auteur reconnaitrait-il que les candidats peuvent avoir des torts ? Oui, mais non sans tacler encore les entreprises à la fin du chapitre :
Peut-on reprocher à certains candidats, désarmés par l'ampleur des discriminations, découragés par le piston et conscients d'être face à une loterie, de chercher a enjoliver leur candidature ? Il n'est pas étonnant que certains mentent allègrement, puisque, ne l'oublions pas, les questions posées aux candidats sont fréquemment illégales et visent délibérément à les écarter.
En ce qui concerne les différences de salaire, l'auteur a l'honnêteté de reconnaître que le mythe des 25% de différence entre hommes et femme est faux. Les méthodes d'évaluation des fonctions ne sont pas satisfaisantes et les dirigeants gagnent trop. Une solution ? Bien sûr l'auteur n'en proposera pas.
Dans la deuxième moitié du livre, Jean-François Amadieu adopte une position plus nuancée : il critique la discrimination positive (je dois dire que je ne m'y attendais pas) et reconnaît que les DRH ont un pouvoir limité. Cet apport de nuance est appréciable mais dénote avec la première partie.
Finalement, je me demande quel était l'objectif de ce livre ? Oui il y a des discriminations, oui le monde du travail est parfois injuste, oui dans l'idéal ça ne devrait pas être le cas. Et après ? Une société parfaite, sans aucune discrimination, n'existera jamais, peu importe le nombre de livres qui seront écrits pour s'en plaindre.
J'aurais préféré que l'auteur adopte une approche plus concrète et positive, en présentant et expliquant les problèmes, puis en présentant des solutions pour les résoudre ou au moins les améliorer. Malheureusement, ce livre ne se focalise que sur la première partie, ce qui rend la lecture assez agaçante.