Étant à l'origine un seul et même livre, les Livres de Samuel furent cependant séparés en deux parties à cause de la Septante, la traduction grecque, requérant davantage de place pour traduire le texte hébreu. Le livre a de surcroit connu quelques découpes et recoupes en fonction de la langue et du courant religieux. Rattaché aux Livres des Rois, l'ensemble prit le nom de Règnes. Il fallut attendre la traduction latine (celle de la Vulgate plus précisément) pour que les Livres de Samuel et les Livres des Rois reprirent leur titre original, mais toujours divisés en deux. Côté juif, le Livre de Samuel (Sefer Sh'muel) était diffusé en une seule partie, jusqu'à ce que l'influence chrétienne conduise les juifs à eux aussi séparer le livre en deux.

Bref, aujourd'hui, si vous êtes amené à lire la Bible (la Nouvelle Bible Segond en ce qui me concerne), il y a fort à parier pour que vous vous retrouviez en face d'un Livre de Samuel et d'un Livre des Rois, tous deux séparés en deux parties.


Heureusement, la découpe en deux parties n'est pas dénuée de sens, cela rendant même la lecture plus digeste. Chacun des deux livres comportant déjà de nombreuses figures, de nombreux personnages mentionnés juste pour être mentionnés, et son lot d'événements et de « retournement de situations ». Chacune de ses deux parties pouvant, de toute façon, être découpées de nouveau en plusieurs autres parties.


Prenons le Premier Livre de Samuel. Samuel étant le nouveau nazir du Seigneur (ne surtout pas oubliez le r), le livre débute alors que nous nous trouvons encore dans la période des Juges. La première partie de ce livre (la première partie du premier livre donc, vous suivez ?) sert ainsi à justifier l'instauration de la monarchie, Saül devenant le premier Roi d'Israël, malgré les avertissements de Samuel (1S8) : la monarchie ne plaisant pas au Seigneur, se sentant rejeté par son peuple.

La seconde partie du Premier Livre, plus dense (et que l'on pourrait elle-même découper en deux parties), nous présente le fameux David, qui est roux (c'est une information qui me paraît des plus pertinentes), berger, lui-même fils de berger (ça lui fait un point commun avec Jean Lassalle). Sans surprise, on assiste à son célèbre combat contre Goliath (1S17), un philistin (pour changer), une sorte de géant mesurant 6 coudées et 1 empan et portant une armure de 5000 sicles (je vous laisse calculer) : David éliminant le gathite dès son premier jet de pierre, avec sa fameuse fronde, avant de lui couper la tête (avec son épée, je précise, ç'aurait probablement été plus compliqué avec la fronde). Un combat plutôt expéditif en somme.

Le Seigneur ayant rejeté Saül en tant que Roi pour choisir David à la place, la suite du livre se concentre sur l'affrontement entre Saül et David, bien que ce dernier n'ait nulle intention de tuer le premier. Après la mort de Samuel et l'introduction de la nécromancie (génial, ma classe préférée !), pourtant interdite, le livre se conclut pour de bon sur la mort de Saül.


Concrètement, ce Premier Livre partie fut l'occasion pour ses auteurs de justifier la légitimité de la dynastie de David, de la monarchie, non sans réécrire l'histoire (ce qui explique par la même occasion les nombreuses accusations de textes défectueux). En effet, il est aujourd'hui admis par la communauté scientifique qu'aucun royaume hébreu aussi puissant existait à l'époque de datation traditionnelle du récit (-XIe siècle). David aurait plus probablement été à la tête d'une sorte de clan menant des razzias contre ses voisins. Il est aussi bien plus probable que ce même Premier Livre (et accessoirement le Deuxième) fut rédigé par l'école deutéronomiste, à partir du -VIe siècle, et non par Samuel, au -XIe siècle justement.

Aussi, ce livre confronte deux types de monarchie. D'un côté celle de Saül (pas si « good man » que ça), qui se permet de rejeter le Seigneur, de l'autre celle de David, qui se soumet à lui : le prophète étant devant le roi dans cette dernière. On reste donc dans une logique de « justifier » la monarchie sans pour autant rejeter dieu, David épousant par ailleurs Mikal, l'une des filles de Saül, et gardant le fils de Saül, Jonathan, auprès de lui : ce qui tend à expliquer son élévation alors qu'il n'était que simple berger à la base. La justification de la monarchie joint une autre justification, là encore politique : les visées du royaume de Juda sur le territoire de Benjamin. David étant, sans surprise, un Israélite de la tribu de Juda là où, à l'inverse, Saül est un Israélite de la tribu de Benjamin.


David mit la main dans sa gibecière, y prit une pierre et la lança avec sa fronde ; il frappa le Philistin au front ; la pierre pénétra dans le front du Philistin, qui tomba face contre terre. (1S17,49)

Le Second Livre de Samuel, plus simple à résumer, se concentre dans un premier temps sur les nombreuses victoires de David, puis sur ses erreurs ainsi que les épreuves qu'il doit traverser. Le bonhomme vo(u)lant la femme d'un certain Urie avant de le faire indirectement tuer en le positionnant en première ligne, cela amène le Seigneur à tuer son premier enfant avec la femme du défunt. La suite de l'écrit se concentre essentiellement sur les « querelles » (notez les guillemets) familiales : l'un de ses fils, Amnon, violant sa sœur, Tamar, avant de se faire tuer par Absalom, un autre des fils de David, qui prendra par la suite le contrôle de Jérusalem, forçant David à fuir temporairement la ville jusqu'à la mort de son fils (SOS Ma famille a besoin d'aide).

La monarchie ayant déjà été mis en place, il y a moins à en dire sur ce Second Livre que sur le Premier. On se concentre davantage sur l'ascension de David, sur ses déboires : le Second Livre de Samuel se concluant alors que le roi n'est pas encore mort, alors que Salomon n'est encore qu'un enfant, juste après que le Seigneur a fait parvenir la peste en Israël.

Un Second Livre de Samuel qui, par ailleurs, n'a de Samuel que le nom vu qu'il est mort (toujours plus compliqué d'écrire un livre quand on est dans cet état) et vu que même traditionnellement, ce sont Gad et Nathan, tous deux prophètes auprès de David, considérés comme les auteurs de ce livre.

À la limite, quitte à trouver quelque chose, il ne me semble pas que le lien entre Sion, la ville de David, et Jérusalem ait été énoncé dans l'Ancien Testament jusqu'à présent.



On pourrait noter plusieurs changements concernant les Livres de Samuel par rapport aux précédents livres. Premier point positif, surtout présent dans le Second Livre : moins de génocide que d'habitude. Même si les Livres restent très violents (on n'oublie pas la mise à mort des nourrissons lors du Premier Livre (1S15)), David se montre plus clément et fidèle que ses prédécesseurs, sans aucune rancune, mais aussi plus touché par la mort d'autrui, y compris par celles de ses adversaires. On a moins l'impression d'être du côté des méchants en somme… même si David reste un gros queutard avec 10 concubines enfermées en permanence dans son palais.

Forcément, Bible oblige, certains passages peuvent paraître expédiés vu le contexte, le peuple réclamant un roi sans que l'on sache trop pourquoi. On retrouve aussi, dans l'ensemble, ce côté « 150 revirements de situation par page », qui fait que l'on peut très vite se retrouver perdu. On a aussi droit à des délires chelous à base de « souris d'or », de « tumeurs » et d'« images de leurs hémorroïdes » (1S6) ; au fait que le Seigneur fait venir la peste en Israël parce que David a juste « fait recenser le peuple » (2S24) ; ou a des phrases toutes aussi cheloues, type « L'aveugle et le boiteux n'entreront pas dans la maison. » (2S5,8). À l'inverse, d'autres passages sonnent comme des running gag, à l'instar de Saül et de ses nombreuses tentatives infructueuses afin de tuer David : on n'est pas loin du niveau Bip Bip et Vil Coyote par moment. Enfin, on n'oublie pas le célèbre humour juif, autour de l'argent : la prime pour celui qui tuera Goliath étant la fille du roi… de grandes richesses… et l'exemption d'impôts pour toute sa famille (1S17,25) : les affaires sont les affaires. 🥂


Finalement, bien que peu cité dans le Nouveau Testament, et ce, malgré le soi-disant lien avec Jésus de Nazareth, « Fils de David », les Livres de Samuel ont tout de même réussi à gagner leur place dans l'histoire, surtout grâce à certains des « exploits » de David, aujourd'hui connus par tous, y compris par les non-religieux. Outre sa réutilisation à des fins politiques, notamment par Charlemagne, le « nouveau David », on retiendra les nombreuses représentations artistiques du bonhomme, le célèbre David de Michel-Ange, sans oublier celui de Cantini présent dans la cité Phocéenne, ainsi que quelques adaptations cinématographiques relatant certains des exploits de cette figure, bien que délaissé par cet art avec le temps.


Ce n'est pas en lisant la Bible que vous deviendrez religieux en somme, mais ces deux Livres se révèlent en tous cas loin d'être inintéressants.

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le 25 déc. 2023

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