Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau se définissaient comme des écrivains fascistes. Au lieu de les stigmatiser, et ainsi de mettre automatiquement le verrou, le livre Dialogue de « vaincus » restitue plusieurs conversations des deux hommes. En prison, dans les années 50, à la prison de Clairvaux, ils s’attaquent à divers thèmes comme l’Histoire, la littérature, la politique ou encore la religion. Un bon moyen pour découvrir la conception du monde de ces gens qu’on appelle des fascistes.
Le portrait qui se dessine, au gré des conversations, de Lucien Rebatet est surprenant. Le lecteur rencontre une sorte d’anarchiste de droite, attaquant le catholicisme, se faisant anticonformiste dans ses goûts littéraires (il sape littéralement plusieurs Anciens du style Montaigne). Les deux compères ont une sacré gouaille, un certain pessimisme et surtout beaucoup de talent. L’extrait ci-dessous correspond à une des, nombreuses, colères de Rebatet vis-à-vis du christianisme, la religion catholique plus précisément. Brutal, drôle et pertinent.
« C’est à ces fumiers-là que nous devons ça ! On avait le choix entre plusieurs milliers de dieux, à peu près tous bittologiques. Il a fallu que l’humanité se décidât pour le Dieu anti-couilles. Voilà bien encore une preuve de l’universelle imbécillité. Quand on pense qu’il y avait, avant leur Jésus, des mystères où la première communion des petits gars c’était leur dépucelage en musique par des pin-up prêtresses qui, non seulement étaient belles, mais aimaient ça, prenaient leur pied. Ah ! malheur ! Je n’ai jamais donné dans les hommages des agnostiques au génie de Jésus-Christ, parce que le Christ, génie ou non, est celui qui a appris aux hommes la haine de la chair, comme ils disent dans la secte. Ca me dégoûte à un tel point que même le mot « chair », je répugne à l’employer, à cause de l’usage qu’ils en ont fait. C’est même, entre autres, un des motifs de ma grossièreté…Le Christ était un pisse-froid, c’est une des rares certitudes que l’on ait sur lui. Un pisse-froid probablement coloré d’un peu de pédale, le genre pédale suave qui attire les pépés mais n’y touche jamais. Et après le Christ, il y a eu Paul, Paul, le vrai patron, pire en tout que l’initiateur, l’ennemi systématique des femmes, le premier légiste de la queue, sans doute parce qu’il connaissait bien la Bible avec toutes ses histoires d’enculeurs de chameaux, d’empapaouteurs de bourriques, qui grimpaient leurs pères et mères depuis la Genèse… »