Edité chez Memory en avril 2020, E.C.R.A.S.E. est le premier roman de Stéphanie Gérin. Il a pour sous-titre : Quand l’hôpital se déshumanise.
Dès les premières pages, le lecteur ressent chez cette jeune autrice belge un message à passer, un signal d’alarme à tirer, un coup de gueule à partager. Pour ce faire, parmi les différentes options littéraires, elle a décidé d’écrire son plaidoyer sous une forme satirique et fictionnelle mais de situer son récit dans un futur si proche (2023-2035) qu’il est, à l’échelle du Temps, déjà présent.
Selon son analyse, les hôpitaux et les soins de santé en Belgique s’organisent de plus en plus sous une contrainte budgétaire imposée par le monde politique et ses lobbys capitalistes. Les responsables fédéraux, qu’ils soient Ministres ou Commandeurs, s’appuient sur une culpabilisation perverse des citoyens qui n’auront besoin que de peu de moyens venant de l’Etat s’ils anticipent le vieillissement et prennent soin de leur santé en vivant sainement ou, à défaut, en se montrant responsables et prévoyants. Après tout, il suffit d’investir dans des assurances santé privées. Les riches le sont pour en profiter, les pauvres doivent se prendre en main plutôt que de la tendre ! C’est vrai, pourquoi les nantis devraient-ils cotiser pour les insouciants et les démunis pour qui il est actuellement bien trop facile de pouvoir être pris en charge par la Sécurité sociale.
Exit l’humain, exit la solidarité !
Mais le choix de la satire est une arme à double tranchant. Il est vrai qu’un message passe parfois mieux avec un peu d’humour, même grinçant, même noir. Par ailleurs, l’humour satirique se révèle parfois lourd, gras et peu subtil. A ce propos, selon moi, l’équilibre n’a pas toujours été respecté dans cet ouvrage. Il y a d’excellents temps forts, il y a des zones plus faibles, moins en accord avec le thème et le ton.
Un autre danger, me semble-t-il, est d’imposer au lecteur l’image qu’il doit se construire des personnages. Derrière Madame XXL, à peine plus haute que large, avec ses petites mains potelées et son sourire empli d’autosatisfaction, tout belge ne pourra qu’avoir un seul et même modèle … C’est vrai pour notre Commandeure de la santé publique, cela l’est également pour d’autres descriptions de lieux comme la construction d’une méga structure hospitalière sur les hauteurs de la ville. Trop ou pas assez de détails qui génèrent deux catégories de lecteurs : les locaux et les autres. Et aussi quelques expressions déformées, écorchées volontairement, par humour, sarcasme, mais pas suffisamment que pour transcender la situation. « Briser la pantoufle de verre », par exemple est devenu un jeu de mots insignifiant. Et qu’apporte au récit l’appellation « brigade des M.E.U.R.S. » ou l’accusation de responsabilité dans l’incendie de « Notre halle des paris » ou encore le grade de « gardien de la paie » et le chapitre entier et forcé consacré au CV de 1287 ?
Je veux croire que ce ne sont que des scories de jeunesse, d’armes stylistiques encore à fourbir, à affûter pour, sans caricature excessive, touché le lecteur par le fond plus que par une forme cosmétique. Car, c’est incontestable, le fond est là, l’appel à la réflexion aussi. Stéphanie Gérin, plume en devenir, est une conscience à rencontrer !