2012, Olivier, autiste Asperger, se retrouve sur le plateau de Questions pour un champion, opposé à des supers champions. Son but ? Gagner évidemment. La partie sera rude, entrecoupée d'épisodes de sa vie, de ses pensées intimes ou pas, de ses rêves, ...
Résumé volontairement succinct, car finalement ce livre n'est que cela. Mais quel brio ! Il débute avec un court autoportrait fait de petites phrases, parfois drôles, parfois moins, à la manière de l'Autoportrait d'Edouard Levé, que j'ai beaucoup aimé et qui traîne encore et toujours sur mon chevet. "Je suis autiste Asperger. Ce n'est pas une maladie, je vous rassure. C'est une différence. Je préfère réaliser des activités seul plutôt qu'avec d'autres personnes. J'aime faire les choses de la même manière. Je prépare toujours les croque-monsieur avec le même Leerdammer." (p.11) (à lire l'entièreté de ces pages, je dois avoir des côtés Asperger)
Puis, construit en chapitres qui reprennent les manches -enfin, c'est ce que j'ai compris, n'ayant jamais regardé ce jeu-de Questions pour un champion (QPUC pour les initiés) : Les neuf poins gagnants, Le quatre à la suite, Le face-à-face, Super champion, ce livre sous-titré : romance télévisuelle avec mésanges parle d'Olivier, de son enfance et adolescence pas facile avec sa différence que les autres collégiens lui ont fait payer au prix fort, certains profs également, de sa difficulté à nouer des relations avec ses pairs, avec les femmes. Non-amateurs ou non-connaisseurs de l'émission naguère présentée par l’inénarrable Julien Lepers, ne fuyez pas, je le disais plus haut, je n'ai jamais regardé ce programme et j'ai beaucoup aimé cette "romance télévisuelle". Là où certains prennent le prétexte d'un auteur ou d'une oeuvre pour parler d'eux, de leurs peurs, leurs questions, leurs désirs, leurs points de vue sur la société, ... (cf. par exemple, l'excellentissime Quichotte, portrait chevaleresque de Eric Pessan), Olivier Liron prend un jeu populaire. Il parle de ses origines, de sa mère, de la violence qu'il a subi enfant, de sa découverte de la peinture, notamment Mark Rothko : "Je me suis assis et j'ai regardé le pourpre. J'ai commencé à percevoir des nuances extrêmement fortes. Du rouge brunâtre, du carmin, du vermillon et du bleu lilas, du rose lilas, des couleurs boueuses... Et à force de regarder le pourpre, je suis entré dans le pourpre, j'ai senti une petite secousse de plaisir dans le bas du dos, une secousse de plaisir qui a explosé en moi en millions d'échardes de lumière. J'avais des orgasmes de nuance." (p.106/107)
Puis, retour au jeu et au suspense puisque évidemment, j'ai eu très envie qu'il gagne voire qu'il pulvérise les autres candidats -qui, d'ailleurs s'ils lisent ce livre risquent d'être surpris de leurs portraits pas toujours flatteurs, mais vus par les yeux d'un adversaire. Olivier Liron construit son roman comme un polar, faisant durer le plaisir et le suspense, ses apartés jouant le rôle de repos du lecteur mais aussi avec son impatience à connaître le dénouement de la partie.
"Quand on ne peut pas parler, on construit des forteresses. Ma forteresse à moi est faite de solitude et de colère. Ma forteresse à moi est faite de poésie et de silence. Ma forteresse à moi est faite d'un long hurlement. Ma forteresse à moi est imprenable. Et j'en suis le prisonnier." (p.152) Dernier extrait qui, pour moi, résume assez bien son livre, entre douceur et violence.