« Toutes choses humaines ont, comme les Silènes d’Alcibiade, deux faces fort dissemblables. La face extérieure marque la mort ; regardez à l’intérieur, il y a la vie, ou inversement. La beauté recouvre la laideur ; la richesse, l’indigence ; l’infamie, la gloire ; le savoir, l’ignorance. » Erasme, Eloge de la folie.


Il y a, dans Le Misanthrope de Molière, une scène particulièrement comique (Acte I, scène 2).


Oronte (le Marquis épris de poésie), alors plein d’enthousiasme, propose à Alceste (le misanthrope) quelques vers qu’il a pris la liberté d’écrire. Mais voilà, Alceste est un trouble-fête : il refuse d’en faire le moindre commentaire positif. Poussé dans ses retranchements, il choisit la franchise :


« Il faut qu'un galant homme ait toujours grand empire.

Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire. »


Déconfiture. Heureusement, Philinte, l’ami d’Alceste, lui sauve la mise :


« Ah! qu’en termes galants ces choses là sont mises ! »


Qu’on ne se méprenne pas : Oronte est vraiment un piètre poète. Et le ressort comique de cette réplique de Philinte repose justement sur cette duplicité entre ce qui est dit et ce qui est pensé, entre les règles de bienséance et la vérité. La vérité serait-elle toujours bonne à dire et à entendre ? La politesse un mauvais artifice ? Une hypocrisie ?


Le théâtre et la vie


En fait, la duplicité de Philinte pourrait être l’occasion d’une mise en abîme : toute pièce de théâtre n’est-elle pas une mise en scène ? Le jeu des acteurs, les décors, l’organisation de l’espace, les dialogues, tout concourt à créer une illusion, même si aucun spectateur n’est dupe (tout comme le lecteur n'est pas dupe de Philinte…).


A l’époque de Molière on peut dire que la vie est une véritable pièce de théâtre : il suffit de penser à la mise en scène permanente qui se déroule à la cour du roi de France. En fait, le théâtre ne fait que singer – dans un lieu précis et par des codes particuliers – la mise en scène permanente que la société déroule sous nos yeux.


Oronte, lui, est un poète. Les poètes n’ont-ils pas eux aussi une certaine propension à enjoliver une réalité plus ou moins triviale ? Poésie ou théâtre, la duplicité paraît ainsi au cœur même de l’art. Oscar Wilde avait fait du « mensonge, le récit de belles choses fausses, le but même de l'Art. »


Ne serait-ce que l’art ou la politesse, il est donc évident qu’une forme d’hypocrisie bégnine irrigue en permanence la société. Mais, de nos jours, l’hypocrisie a mauvaise presse, on la réduit trop souvent à ses aspects les plus néfastes - comme le désir de tromper autrui. Ne serait-ce que du point de vue de la politesse, Il faut pourtant se demander si un monde rempli d’Alceste serait souhaitable...


Car vouloir mettre fin à cette comédie, à ce jeu des apparences, c’est tout simplement annihiler tout ce qui est proprement vivant dans une société. Qu’on y pense, la fin d’une représentation a toujours un aspect morbide : la légende raconte qu’avant de mourir, l’empereur Octave Auguste aurait prononcé ces mots, «La farce est jouée ». Baisser de rideau funeste.


Molière nous tend un miroir : Alceste et Philinte c’est à grands traits l’opposition immémoriale entre ceux qui se plaisent à jouer la comédie et ceux qui entendent dévoiler l’être des choses. Une société en bonne santé a besoin d'un équilibre subtil entre ces deux archétypes. Et si le XVIIe siècle s’est souvent perdu dans une représentation excessive et dangereuse pour le lien social, notre époque semble être préoccupée à jouer la pièce inverse : Alceste contre Philinte. Mais le pire hypocrite n’est-il pas celui qui prétend en finir avec l’hypocrisie en faisant mine de n’avoir jamais su que la vie est une mise en scène ? Ou alors l’a-t-il oublié : n’est-il pas fou celui qui prend le jeu au sérieux ?


En fait, à travers cette opposition, c'est un certain rapport à la vérité et aux apparences qui se joue.


Platon


A en croire Platon, dans Le Banquet, les grecs étaient tout autant préoccupés par la dualité de l’être et de l’apparence que le grand Siècle français. On y découvre qu'Alcibiade comparait Socrate à un silène, une créature mythologique personnifiant l’ivresse. En somme, Socrate était laid tandis qu’Alcibiade, lui, était le plus beau et le plus brillant des jeunes athéniens. Et pourtant : l’un cache la sagesse, tandis que l’autre aura une carrière politique calamiteuse qui l’amènera à trahir sa cité pour Sparte…


« Alcibiade : Je déclare qu'il [Socrate] est tout pareil à ces silènes qu'on voit exposés dans les ateliers des sculpteurs […] ; si on les ouvre en deux, on voit qu'ils contiennent, à l'intérieur, des statues de dieux. »


Et pourtant, Platon pourrait plutôt être classé parmi ceux qui refusent la dramaturgie sociale. En opposant les essences éternelles du monde des Idées à l’apparence trompeuse des choses sensibles, il fonde une philosophie qui dévalue les apparences au profit des essences. A titre d'exemple, jetons un œil aux dialogues platoniciens...


Dans ses dialogues, de fil en aiguille, Socrate demande à celui qui se réclame « courageux » de définir le courage. A l’ami de définir l’amitié, à l’homme de bien la définition du bien, etc. Il exige que chacun sache exactement de quoi il parle. Socrate dévoile avec talent la représentation qu’est la vie sociale : il feint habilement de ne pas savoir que dans la vie de tous les jours nos discussions sont des mises en scènes habiles de certitudes.


Mais les discours - pour la grande majorité d’entre eux - ont-ils véritablement pour vocation de dire la vérité des essences ou simplement de permettre l’accord et l’échange ? On pourrait comparer Socrate à un spectateur impoli qui monterait sur une scène où se joue une représentation pour retirer les masques de théâtre et mettre en évidence qu’il y a un acteur qui joue – La grande découverte ! La société ne peut faire autrement que de tolérer des zones d’incertitudes, des flous, des approximations dans les échanges courants.


Même dans une discussion philosophique, la "vérité" est en fait plus souvent entraperçue que véritablement démontrée. Le problème, c’est que Socrate cherche la vérité si haut dans les nuées qu’il condamne au mutisme la majorité de la population tout en lui révélant son ignorance. Quoi d’étonnant alors qu’on l’accuse de corrompre le lien social ? Effectivement, Renaud Camus affirmait, dans La grande déculturation :


« Veut-on faire taire un homme et le ridiculiser, il n'est que d'exiger de lui que chacune des propositions qu'il émet et le moindre de ses mots soient strictement exacts en tout point. Veut-on étouffer une idée, empêcher une révélation, obnubiler le dévoilement d’une situation […], il suffit de ne tolérer, en leur expression, aucun raccourci et nulle approximation. »


Car la vérité se dévoile très rarement à l’homme sous une forme univoque - « claire et distincte » aurait dit Descartes – à la manière d’une belle équation mathématique, ou d’une déduction logique découlant mécaniquement de prémisses indubitables. Dans le monde des mathématiques et des sciences c’est le cas, quasiment jamais pour le monde humain.


La pensée mythique


Il serait pourtant injuste de faire de Platon un « ayatollah » de la pensée rationnelle et univoque. Sa pensée n’est pas étrangère aux mythes. Le génie de la civilisation grecque aura surement consisté en la conciliation des opposés, et il n’y avait aucune pertinence à opposer « la vérité géométrique » et les légendes de la mythologie. Lucien Jerphagnon disait « qu’il fallait des mathématiques pour construire un temple, et des prières pour son inauguration. »


Dans Les grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Paul Veyne explique que la question de « croire » pour les grecs ne se posait pas dans les mêmes termes que nous : la question du vrai et du faux, de l’exact et de l’inexact n’avait pas du tout la même résonance qu’aujourd’hui. Paul Veyne parle de « programmes de vérité » multiples. Le mythe était une vérité rhétorique, une vérité qui se disait sur une autre « longueur d’onde » que la vérité scientifique.


La vérité est de nature "perspectiviste" et non univoque, elle est multiple, souvent voilée et changeante. Bien souvent elle ne se donne que par le truchement d'une mise en scène (la narration) et la regarder "face à face" la ferait disparaître (comme Eurydice dans le mythe d'Orphée !). Pour Nicolas Gomez Dávila, « les vérités se dressent dans un paysage tourmenté que l’homme parcourt en suivant les méandres d’un sentier sinueux qui les découvre, les cache, et finalement les expose en pleine vue ou les fait disparaître. »


Ainsi, le polythéisme fournissait ce cadre mental qui permettait de penser la pluralité du vrai : le panthéon grec n’était jamais fermé car certaines « forces » cosmiques demeuraient inconnues, informulées mais non moins importantes. Chaque dieu n’avait d’ailleurs pas une fonction précise et univoque.


Dans Le Phèdre, Platon a justement un mot pour désigner l’idée d’une vérité fondée sur une narration imaginaire: euéthia. L’euétheia est le mot désignant une certaine réceptivité, une sorte de crédulité volontaire. Dans L’homme éternel, Chesterton décryptait à son tour la nature de la mythologie :


« Les fables les plus grossières n'appartiennent pas […] à la science ; elles ressemblent à ces dessins d'enfants, naïfs et maladroits, que l'on aurait tort de considérer comme des diagrammes. [...] ils représentent, si l'on veut, les commérages des dieux, un bavardage auquel le commun croit sans prendre la peine de l'examiner ou, mieux encore, qu'il accepte sans prendre la peine d'y croire. »


Grâce à l’euéthia, la vérité « nue » et univoque n’est pas partout présente, auquel cas elle risquerait de devenir tyrannique. Le voile que le mythe applique sur la réalité permet de dépasser les blocages et les frictions engendrés par une approche unidimensionnelle des choses. De faire coexister les contraires. La transparence, elle, souhaite réconcilier les contraires, les unifier dans une grande synthèse utopique.


Là est le nœud du problème : La réalité obéit-elle vraiment au principe de non contradiction ? Non, si l’on en croit Erasme, et la « folie » dont il fait l’éloge en introduction de ce texte est l’autre nom de l’hypocrisie. Nous affirmons que la vérité est « une » et l’erreur « multiple », mais n’est-ce pas un préjugé de plus ? Léon Chestov osait soutenir « qu’il y a lieu de croire que l'idée que nous nous faisons de la vérité comme d'une chose qui ne supporte pas la contradiction découle au fond de la passion des hommes pour la lutte. Les vieilles gens – les philosophes, les théologiens sont d'ordinaire des vieillards – ne peuvent se battre à coups de poings, et ils ont inventé que vérité est "une" afin de pouvoir se battre au moins en parole. »


Le Moyen Age n’a pas non plus été étranger à cet équilibre subtil entre pensée équivoque et univoque. L’Eglise catholique a vécu durant toute cette période avec cette tension interne entre un Dieu unique, symbole d’une vérité univoque - pouvant être atteinte grâce à la théologie, c’est à dire la science de la foi – et une mythologie florissante sur fond de merveilleux et d’imaginaire. Peut-être fallait-il pour faire tenir ensemble tout cela la philosophie d’Aristote, dont le « réalisme » adoucissait l’idéalisme platonicien, une philosophie du « compromis » dans laquelle la « matière » (les apparences chez Platon) et la « forme » (les essences) cohabitent au sein d’une même réalité.


L’Eglise catholique elle-même n’a-t-elle pas intégré de façon harmonieuse nombre de pratiques païennes, jusqu’à son philosophe le plus illustre ? Seul un esprit moderne épris d’unité et de cohérence s’inquiète quand il découvre l’origine syncrétique des religions…


Notons aussi, pour ce qui est des pratiques sociales, que jusqu’au XIIIe et XIVe siècle l’Eglise a souvent autorisé certains comportements qui furent formellement condamnés (comme l’homosexualité). La fin du compromis hypocrite eu lieu lorsque l’Eglise dû consolider un pouvoir politique, social et religieux menacés.


Effectivement, au début du XVIe siècle une vague de puritanisme dénonçant cette hypocrisie marque une rupture. A partir de ce moment la logique de la transparence semble avoir tenu une place grandissante chez les modernes.


La Modernité


Le protestantisme


En 1517, lorsque Martin Luther placarde ses 95 propositions sur la porte de l’église de Wittemberg, il s’agit d’une réaction contre certains abus de l’Eglise, notamment le décalage problématique entre ses discours et ses actes. C'est connu : le protestantisme fut une réaction à une hypocrisie devenue intolérable.


Allons plus loin : c’est aussi d’un point de vue théologique que le protestantisme engendre une approche radicalement nouvelle de l’hypocrisie.


La nouveauté, c'est que chez Luther nos actions seront toujours insignifiantes pour œuvrer à notre salut (n’est-ce pas déconsidérer la toute-puissance de Dieu ?). Ainsi, seule la grâce divine décide de notre destin dans l'au-delà. C’est comme si, chez les protestants, nos actions n’étaient plus sous le regard de Dieu.


On pourrait croire, a première vue, que cette idée aurait des conséquences pratiques allant dans le sens d’une plus grande permissivité morale. Pas forcément.


Pourquoi?


Chez les catholiques, les actes sont en amont du salut, sous le regard bienveillant – miséricordieux – de Dieu. Une certaine transgression morale n’est pas rédhibitoire : le catholique va chercher dans la vertu théologale de l’espérance la conviction de pouvoir être sauvé malgré tout. Mais c’est une « certitude » pratique et non spéculative.


Luther, grand angoissé qu’il était, recherchait une certitude plus « spéculative », « intellectuelle », qu’il alla chercher dans la vertu théologale de la foi. Mais la foi peut-elle nous être en l’occurrence d’une quelconque aide ? Pas vraiment : elle parle du salut de l’humanité en général, rien sur notre vie en particulier.


D’où une attention quasi maladive à tous les « signes » parcourant la vie, une introspection rigoureuse qui oblige le fidèle à une certaine ascèse. Par exemple, Max Weber avait considéré l’éthique protestante comme une des causes du capitalisme moderne, notamment par l'exigence du plus grand sérieux demandé à l'entrepreneur dans la conduite de ses affaires.


Il est donc possible d’émettre l’hypothèse que l’hypocrisie traditionnelle doit son érosion à l’éthique protestante. Le décalage entre nos discours et nos actions (ou entre nos pensées et nos discours) - la transgression - est vécu de façon beaucoup plus tragique puisque reflétant probablement notre destin dans l’au-delà.


L’influence de l’éthique protestante n’est toutefois pas la seule en cause.


La révolution scientifique


Au XVIIe siècle, la science moderne basée sur les mathématiques prend son essor et son autonomie. Or, conformément au vœu de Descartes, les mathématiques sont parfaitement « claires et distinctes », elles deviennent la reine des sciences. La vérité mathématique est une, univoque, égale à elle-même, indépendante du sujet. Elle règne sans partage.


Dans cette affaire, la grande nouveauté apportée par Galilée c’est le caractère inessentiel des qualités sensibles (il parle de « qualités secondes ») : dur ou mou, résistant ou non, coloré ou pas, tout cela n’a aucun rapport avec l’objet lui-même et se trouve relégué dans l’esprit du sujet et rejeté hors de la connaissance scientifique. Ce ne sont que de simples "apparences" faisant obstacle à l'univocité mathématique.


Ainsi, le monde aristotélicien fait de qualités fluctuantes, d’une pluralité de structures chatoyantes et irréductibles laisse place à un espace et un temps neutre. Une grande part du monde sensible, complexe et confus, est rejetée. Le cosmos harmonieux des grecs s'écroule.


Que se joue-t-il derrière cette destitution des apparences sensibles ? Un nouveau rapport à la transparence et à l'hypocrisie. Les apparences, pour Descartes, sont d'emblées suspectes, et si ce n’est l’infinie bonté de Dieu nous devrions nous en méfier. Car Dieu lui-même ne peut être "trompeur".


Avec Newton et Descartes, la nature est lue sur le modèle mécanique : c’est une immense machine. Qu’est-ce qu’une machine ? Par définition, une machine est vierge de toute contradiction, d’éléments inutiles, ses rouages ont tous une fonction précise et aucune ne peut contredire l’autre.


En fait, le modèle théorique construit par la physique tend à devenir l'exemple de ce que devrait être la communauté humaine idéale. Peut-être n'est-ce pas un hasard si Kant considère tout mensonge (quel qu'il soit, sans exception !) comme destructeur du lien social. Les utopies à la mode n’ont finalement d’autre prétention que de mettre la société en cohérence avec elle-même, sur le modèle mécanique.


On peut mentionner aussi, à cet égard, le développement rapide de la bureaucratie suite à l'avènement de la révolution industrielle. Un nouvel univers émerge, fait de procédures et de règles rationnelles dont l'homme est un simple rouage. Max Weber parlait de désenchantement, c'est à dire la fin des « représentations partagées », des « mises en scène », la fin de l’hypocrisie.


Il y a, il est vrai, chez certains penseurs, une dénonciation de ces structures qui déshumanisent l'être humain et un doute sur ce qui est alors communément appelé le « progrès ». Et pourtant, signe d'un état d'esprit général, l’hypocrisie est souvent dénoncée par d'autres chemins.


Rousseau et la transparence


Pour Rousseau, l’homme est rendu mauvais par la société parce qu’elle lui inocule la maladie de la duplicité. L’état de nature est cet état idyllique de cohérence originelle. Voilà pourquoi il fait l’éloge de la transparence et de la sincérité et critique « l’art de plaire » qui se développe dans la société de cour de son époque. De même, il voyait une contradiction insurmontable et néfaste dans la distinction chrétienne entre pouvoir temporel et autorité spirituelle. On ne peut avoir une patrie spirituelle et une autre temporelle ! « Tout ce qui rompt l’unité sociale ne vaut rien. Toutes les institutions sociales qui mettent l’homme en contradiction avec lui-même ne valent rien. » (Du contrat social).


Quel modèle de société souhaite précisément Rousseau ?


« Si j’avais eu à choisir le lieu de ma naissance, j’aurais choisi […] un Etat où tous les particuliers se connaissent entre eux, les manœuvres obscures du vice ni la modestie de la vertu n’eussent pu se dérober aux regards et au jugement du public. » (Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes).


Peut-être Rousseau a-t-il oublié que c’est à l’ombre du « paraître » que l’individu peut cultiver son intimité et sa liberté, qu’il peut échapper au regard permanent de la société, qui ressemble de plus en plus à cette prison parfaite – car scientifique - décrite par Jérémy Bentham, le panoptique : le gardien, depuis une tour centrale, peut épier les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour, sans que ceux-ci puissent savoir s'ils sont observés.


Comme l’avait très bien vu Michel Foucault dans son Histoire de la sexualité, derrière la volonté vertueuse de « mettre à jour », de « dévoiler », de « révéler », se cache un mécanisme de pouvoir, un désir de domination qui ne dit pas son nom. C’est l’hypocrisie suprême.


Cette obsession contemporaine de la transparence, qui se déploie de nos jours sur internet et ailleurs, fait penser à la sombre prophétie que Philippe Muray s’est employé à décrire tout au long de son œuvre. Une société conformiste et grégaire où règne le despotisme de l’opinion publique et dans laquelle n’auront droit de cité que les idées et les comportements qui « proviennent du collectif pour y retourner aussitôt ». Le rêve d'une telle société c'est que « tout ce qui ne peut pas être exposé publiquement […] ne [puisse] même pas être pensé. »


Polobreitner
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs essais littéraires, Bibliothèque : essais, Les meilleurs essais sur la politique et Edition du Cerf - Mes lectures

Créée

le 23 janv. 2025

Critique lue 72 fois

9 j'aime

1 commentaire

Polobreitner

Écrit par

Critique lue 72 fois

9
1

Du même critique

Le Pouvoir des clés
Polobreitner
10

Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants.

Il existe deux catégories de livres en philosophie. La première catégorie – à vrai dire l’immense majorité – se propose de construire de majestueux édifices. La construction – procédé héroïque et...

le 11 déc. 2021

28 j'aime

13

Liquidation
Polobreitner
7

Emmanuel Macron ? Un « Saint-Simon à trottinette »

Alors que le premier tour des élections présidentielles approche, le livre de Frédéric Rouvillois s’avère particulièrement utile à qui désire décrypter la matrice idéologique de celui qui semble...

le 25 mars 2022

26 j'aime

17

Naissance du sous-homme au siècle des Lumières
Polobreitner
7

Et Dieu dit : "Que les Lumières soient !" Et les Lumières furent.

N'importe qui ayant un tant soit peu fréquenté l'école SAIT que les Lumières furent une des périodes les plus cool de notre histoire. Après la longue nuit du Moyen Âge (1000 ans de pensée unique) les...

le 28 janv. 2022

25 j'aime

24