Fiche technique

Auteur :

Andrew Porter
Genre : RomanDate de publication (pays d'origine) : Parution France : 3 avril 2014

Éditeur :

Éditions de l'Olivier
ISBN : 9782879297217, 9782757852019

Résumé : Depuis son divorce, Elson a pris l'habitude de s'arrêter au Brunswick Hôtel pour boire un verre après le travail. Il aime bien le Brunswick, parce que c'est l'un des hôtels les plus récents de la ville et qu'il sait qu'aucune de ses connaissances n'ira jamais le chercher là. Il aime cette impression d'anonymat, lorsqu'il est assis seul au bar du deuxième étage, près de la fenêtre, et contemple les immeubles de bureaux à l'architecture futuriste de l'autre côté de la rue, leurs élégantes surfaces vitrées, conscient que derrière tout ce verre, des hommes et des femmes en costume ou en tailleur impeccablement repassé ferment sans doute leur serviette et leur attaché-case en prévision d'un dîner ou d'un apéritif. Il aime les imaginer quittant leur bureau, les regarder franchir la porte et monter dans leur voiture. Il y a quelque chose d'étrangement apaisant dans tout cela, dans cette observation routinière, quotidienne, de la ville qui se vide, se tait et s'assombrit. Ce soir le bar est désert, à l'exception de quelques hommes d'affaires de passage, seuls devant leur verre, et derrière la vitre la ville paraît calme, une petite pluie fine tombe, une bruine d'hiver plutôt atypique pour Houston à cette période de l'année. Dans une heure il retrouvera Lorna Estrada, la femme qu'il fréquente depuis six mois, rencontrée lors d'un barbecue chez son ami Dave Millhauser, juste après que son épouse l'a quitté. Lorna a vingt-sept ans, elle est beaucoup plus jeune que lui et pourtant d'une maturité surprenante pour son âge. Tantôt il se dit que c'est à cause de son éducation philippine, de la sévérité de ses parents, tantôt que cela vient du fait qu'elle est arrivée aux États-Unis toute petite, a vu de ses yeux combien le monde pouvait se montrer cruel envers un adulte ne parlant pas anglais, surtout dans une ville comme Houston. Fille unique, la première de sa famille à décrocher un diplôme, elle est conservatrice au musée des Beaux-Arts et partage avec Elson un intérêt aussi fervent qu'inattendu pour l'architecture minimaliste. Qu'Elson soit lui-même architecte a sans doute joué un rôle dans leur attirance mutuelle, il était ainsi plus facile de parler des réalisations de Claudio Silvestrin, Vincent Van Duysen ou Souto de Moura, mais maintenant, songe-t-il, que reste-t-il de cette attirance ? Quelques heures de vacuité en fin de journée. Deux ou trois verres, un film peut-être. Le sexe surtout. Encore que ce soit également devenu une habitude. Au début de leur relation - s'il s'agit bien de cela -, ils allaient chez les amis de Lorna. Assis en cercle, passablement éméchés, ils discutaient de l'état de la planète ou du monde de l'an, comme du temps où il était étudiant, et bien que la plupart d'entre eux soient plus jeunes que lui, au point que certains auraient pu être ses enfants, il y prenait plaisir. Il aimait observer la flamme vacillante des bougies, les ombres qui dansaient sur les murs. Il aimait écouter les conversations à distance, avec un vague sentiment d'amusement, voire de jalousie. Depuis quand n'avait-il pas partagé ce genre de convictions, après tout ? Il avait même fini par se remettre à fumer, se joignant au petit groupe qui sortait griller une cigarette après le dîner. Et, sous l'éclairage de la terrasse ou dans la pénombre du jardin, il échangeait un regard avec Lorna, lui souriait, et elle répondait toujours à son sourire.