Huit portraits de mathématiciens - un bout de la diversité du petit peuple des ravines et sommets de la pensée de nombres et des formes. Il y a des mathématiques, il y a plus encore de mathématiciens. Radieux souvent, aigris parfois, tous engagés de façon différentes dans l'acte de création et ses éthiques spécifiques.
J'ai été très touché par chacun d'entre eux - glacé parfois, intrigué toujours, ému ici ou là. C'est intime, le rapport d'un penseur à sa pensée, et d'autant plus quand cette pensée est informée et irriguée de flux d'objets que leur solidité rend objectifs. L'objet mathématique est investit à la fois pour lui-même, mais aussi et surtout pour bien des raisons complexes, plus obscures ou moins nobles, surtout quand il échappe, quand l'amour initial, ou l'intérêt, se sont épuisés dans la complexité.
C'est plein de passions, donc, douloureuses ici ou là, et d'émotions, esthétiques ou morales. On découvre un paysage, on s'engage dans et pour la pensée, on joue, on construit des outils, on dresse des panoramas, on rectifie des erreurs, on s'immerge dans le jeu des concepts réglés et des sens dont ils suivent les parcours. Cela révèle tout le charnel de cette discipline que l'on confond trop souvent avec l'ennui ancien des salles de classe ou la monotonie des traités, qui n'en sont que la dépôts ("il faut bien écrire").
Bref, tout petit livre bien troussé, subjectif sans doute par l'orientation de ses questions et probablement les choix effectués. Mais c'est ce qui est précieux en lui, ce ressenti qui nous donne à sentir ce qui a pu être perçu, depuis l'extérieur de la discipline ce que les acteurs ayant accepté le jeu ont bien voulu donner de leur expérience.