Fiche technique

Titre original : Future Primitive and Others Essays

Auteur :

John Zerzan
Genre : EssaiDate de publication (pays d'origine) : 1 décembre 1998Langue d'origine : Anglais

Résumé : La réalité du présent est faite, comme jamais elle ne le fut, de chagrins immenses et de cynisme : une « grosse larme dans le cœur humain ». Le quotidien voit son lot d’horreurs augmenter sans cesse, accompagnant une apocalypse rampante de l’environnement. L’aliénation des esprits et les polluants se disputent la prédominance dans la dialectique de mort qui régit la vie d’une société divisée et gangrenée par la technologie. Le cancer, inconnu avant la civilisation, est devenu une épidémie dans une société de plus en plus stérile et littéralement tumorale. Bientôt, tout le monde consommera des drogues ; qu’elles soient délivrées sur ordonnance ou vendues sous le manteau ne constitue plus qu’une distinction formelle. La thérapie des troubles de l’attention offre un autre exemple de la tendance coercitive à médicaliser l’angoisse et l’agitation généralisées qu’en- gendre une réalité toujours plus frustrante. L’ordre dominant fera, à l’évidence, tout son possible pour nier la réalité sociale. Sa technopsychiatrie considère la souffrance humaine comme étant de nature biologique et d’origine génétique. De nouvelles pathologies, résistantes à la médecine industrielle, se répandent à l’échelle planétaire, ainsi que le fondamentalisme religieux – symptôme de frustration et de profonde misère psychique. Et la spiritualité New Age (la « philosophie à l’usage des cancres » d’Adorno), ainsi que les innombrables variétés de thérapies parallèles se complaisent dans d’ineptes illusions. Prétendre que l’on peut être entier, éclairé et apaisé au sein de la folie actuelle revient à accepter cette folie. Le fossé entre riches et pauvres s’élargit, en particulier ici, en ce pays où les sans-abri comme les détenus se comptent par millions. La colère monte et les mensonges de la propagande, qui assurent la survie du système, ne rencontrent plus la même crédulité. Ce monde où règne le faux ne trouve plus que l’adhésion qu’il mérite : la méfiance à l’égard des institutions est presque absolue. Mais la vie sociale semble gelée, et la souffrance des jeunes est sans doute la plus profonde. Le taux d’homicides chez les adolescents de quinze à dix-neuf ans a plus que doublé entre 1985 et 1991. Le suicide est devenu la réaction que choisissent de plus en plus d’adolescents, qui n’envisagent pas de gaieté de cœur d’atteindre l’âge adulte dans un tel enfer. Notre époque postmoderne trouve son expression essentielle dans la consommation et la technologie, qui donnent aux mass media leur force stupéfiante. Des images et des slogans, percutants et faciles à digérer, empêchent de voir que le spectacle terrifiant de la domination repose essentiellement sur la simplicité des représentations. Même les échecs les plus flagrants de la société peuvent servir à cette entreprise d’hypnose collective, comme dans le cas de la violence, source d’infinies diversions. Nous sommes séduits par des représentations de comportements menaçants, car l’ennui est un tourment plus grand que l’effroi. La nature, ou ce qu’il en reste, nous rappelle amèrement combien l’existence actuelle est pervertie, frigide et frelatée. La mort du monde naturel et la pénétration par la technologie de toutes les sphères de la vie se déroulent à un rythme toujours plus rapide. La presse informatique branchée, les marginaux technoïdes, les cyber-n’importe-quoi, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle : tout ça... jusqu’à la vie artificielle, ultime science postmoderne.  En attendant, notre Âge de l’ordinateur « post- industriel », a pour principale conséquence notre transformation accélérée en « appendices de la machine », comme on disait au XIXe siècle. Les statistiques de l’administration judiciaire indiquent, en revanche, que les entreprises, de plus en plus informatisées, sont le théâtre de près d’un million de délits violents par an, et que le nombre de patrons assassinés a doublé au cours des dix dernières années. Le système, en son atroce arrogance, s’attend à ce que ses victimes se satisfassent longtemps de voter et de recycler leurs déchets en faisant semblant de croire que tout ira très bien. Le spectateur, disait Debord, est seulement supposé ne rien savoir et ne rien mériter. La civilisation, la technologie, et les divisions qui déchirent la société sont les composants d’un tout indissoluble. Une course à la mort, fondamentalement hostile aux différences qualitatives. Notre réponse doit être qualitative, sans s’attarder aux éternels palliatifs quantitatifs qui renforcent, en fait, ce qu’il s’agit d’abolir.