Dans ce court essai / recueil de textes, François Jarrige décrit une tendance méconnue - si ce n'est volontairement oubliée - de l'anarchisme français. Les naturiens naviguent sur les tentatives fouriéristes du XIXe siècle en y apportant des principes anarchistes. Dépassant les expériences utopistes des socialistes du début-milieu du XIXe, ces individu.es ont cherché à appliquer leur rejet de la civilisation occidentale (mythe du progrès et de la mission civilisatrice (aka la colonisation), guerres, industrialisation...) en créant des communautés autonomes où les liens avec le vivant cherchent à se refonder.
Ces communautés s'inscrivent dans une longue tradition historique et pratique que l'on peut faire courir d'E. Gravelle à la fin du XIXe jusqu'aux ZAD du début XXIe. Elles ne se sont pas seulement bâties sur des rejets mais surtout sur des désirs de dépasser les impasses des sociétés industrielles. Le retour au vivant se concrétise par une vie loin des villes industrieuses où les rapports sociaux se fondent sur les lois naturelles, libres et consenties. Ces modes de vie s'inscrivent également dans un rejet des grandes théories communistes, socialistes et libertaires fondées sur l'appropriation des forces productives, la révolution à venir ou les systèmes d'organisation autoritaires. Marqué.es par l'échec des grandes révolutions du XIXe siècle et surtout des Communes de 1871, les anarchistes naturiens s'en remettent à leur désir d'expérimenter, de vivre libres et d'être autonomes.
En historien rigoureux, F. Jarrige s'appuie sur de nombreux travaux récents, qui permettent de sortir de la lecture avec pleins de références (A. Baubérot sur le naturisme, A. Steiner sur les anar individualistes, V. Bouhey sur les anar contre la République, K. Ross sur la Commune...).