L'espace du Grid. Une ziggourat cyberpunk qui plonge en profondeur, et tient d'un Wild West pour aventuriers & mercenaires sans foi ni loi, aux yeux des runners aptes à l'arpenter.

Voilà l’espace qu’une catastrophe referma comme un piège sur ceux qui s’y trouvaient, soudainement pris dans un monde près de s’effondrer, et tenus en tenailles entre l’incursion de milices liquidant tout ce qui bouge, et une faille mystique qui fit déferler là une foison de farouches esprits.

Voilà l’espace qui vit la naissance, en réaction, d’un titanesque élan solidaire (quoique réticent et irrésistiblement râleur, dans le cas de Saeru, le talentueux runner que les événements, et plus encore les lois du cœur et de la conscience, placèrent en moteur de cette dynamique) — et, pour le lecteur, d’une réflexion sur la portée des actes dans un univers radicalement individualiste.




Je crois que, si quelque scientifique qui m’aurait prise pour rat de laboratoire, se piquait d’étudier mes réactions à la lecture de Hangul Express, il y découvrirait à la fois mon point de fusion, de sublimation et de consolidation.

Dans le rire véloce, féroce qu’invitent les punchlines qui fusent dans ce roman, dans le souffle coupé et la gorge serrée qu’infligent les punches-in-the-gut, dans les réflexions sur l’engagement, la solidarité, et la responsabilité individuelle et collective qu’engendrent les actes des runners du Grid pris dans une dangereuse souricière…

… Dans la passion que m’inspire ce roman (et la série dans laquelle il s’inscrit), dans l’obsession de retourner encore et encore à cette lecture, et dans le fait que même prise dans le flux IRL, j’y reviens sans cesse, intérieurement : fusion, sublimation, consolidation. Le tout en (potentiellement) simultané : la physique, les constructions et entités quantiques jouent, après tout, un rôle essentiel dans ce roman — dans cet acéré et bouleversant Cantique des Quantiques.




Et là, j’entends certains cerveaux grincer jusqu’à en frôler le BSOD. “De la physique quantique… wait, what? Je croyais que Léa Silhol, elle écrivait de poétiques histoires de fées ?”

Le fait est qu’il est aussi (crucialement) question de l’univers féerique créé par l’auteure, dans Hangul Express. Et de poésie — déclinée, toujours en beauté, selon les voix et les caractères qui l’expriment (entre haïkus magnifiques, répliques assez épiques pour devenir cultes et réclamer, régulièrement, qu’on rouvre le livre rien que pour les relire, et méditations d’âmes propres à faire tomber le lecteur encore plus en amour du personnage — de la personne — qui les exprime). Ajoutez à cela une poésie visuelle apte à saisir et magnifier toute la splendeur et le potentiel de cet espace virtuel qu’est le Grid, tout en rendant hommage — entre autres allusions & saluts artistiques — au monde et aux maîtres du cyberpunk.



Le fait est, surtout, que le cycle dans lequel ce roman s’inscrit à son exemplaire et éclatante manière, le Seppenko Monogatari, constitue un génial mélange de genres littéraires et de cultures. À partir de l’histoire d’une famille japonaise qui doit, à travers les siècles, échapper à l’obsession meurtrière d’un esprit des neiges, tout en résolvant, génération après génération, d’âme en âme, d’incarnation en incarnation, la quête qui impose à chacun des membres de trouver son alter ego sous peine de périr incomplet, Léa Silhol tisse un Dit qui relie de façon essentielle les principaux espaces de son univers. Cyberpunk, dystopie et utopie, mythpunk ou fantasy mythique, fantasy urbaine… Hangul Express, c’est l’arène où des figures (très) anciennes ancrées dans les divers folklores du globe prennent leur place dans le monde moderne, voire explorent, avec un talent redoutable, tout le potentiel d’un monde virtuel. (Il faut voir ce que Léa Silhol a fait, entre autres, de la Reine des Neiges, ou comment elle relie, délicieusement et avec mordant, le phénomène de la k-pop et de la hallyu au retour des fées à notre époque !)




Bref… une œuvre hautement recommandée (au point que si je devais faire le bilan des lectures marquantes de 2019, Hangul Express serait tellement au top que je pourrais citer / remixer cette chanson des coréens 2PM invoquée dans une savoureuse scène du roman* : A.D.T.O.Y. — ppuniya !)



  • et disponible dans l'excellente playlist concoctée par l'auteure — je vous laisse explorer, mais préparez-vous à faire chauffer la CB et le lecteur (de musique, s'entend — le lecteur du roman étant, à la fin de cette première partie, déjà chauffé à bloc ^_^)

HélènePedot
10
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Créée

le 16 janv. 2020

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Hel' P.

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