La guerre des saucisses

Il est toujours bon de lire un auteur francophone. On a ainsi l'oeuvre brute entre les mains sans les imperfections d'une traduction. Avec "Gurvan", Hérault nous livre un roman militaire plein d'action digne héritier d'"étoiles garde-à-vous" d'Heinlein (le livre lui est d'ailleurs dédié).

A première vue Gurvan ressemble à ces bouquins complètements stéréotypés. On y fait la rencontre dans la première partie d'un jeune homme robuste et volontaire. Naïf, il semble cependant prometteur et charismatique: en clair le héros lambda de littérature jeunesse. D'autant que le roman commence avec la classique phase d'apprentissage de notre ami Gurvan (le personnage principal donc), permettant au lecteur de s'identifier et de découvrir en même temps que son héros ce nouvel univers. Bref a première vu rien de folichon et une histoire qui s'annonce des plus banales.
Mais très vite on se laisse prendre au jeu et on rentre dans l'histoire. On évolue avec le héros, on comprend et partage ses changements d'humeur ainsi que son attachement progressif avec ses camarades.

On se retrouve finalement avec quelque chose de cohérent et réaliste. Gurvan à des doutes. Bien que génétiquement programmé pour la guerre, il n'est pas le super soldat badass auquel on s'attend au début du récit.

Bouquin de SF militaire, "Gurvan" fait en réalité la part belle à la face cachée, moins impressionnante, de la guerre trop souvent survolé par d'autres auteurs. Le véritable ciment, l'émotion du livre prend forme dans la camaraderie de ces frères (et soeurs !) d'armes. Leurs joies, leurs craintes ou leurs peines lorsque l'un des leurs ne rentre pas. La distance des vétérans qui ne souhaitent plus s'attacher après avoir vu trop d'amis partir.
D'ailleurs le livre ne transmet pas les valeurs militaristes "classiques" comme le sacrifice de sa personne ou la fidélité aveugle à son gouvernement. Gurvan n'a qu'un désir: vivre. Et pour ça il n'hésite pas à envisager la désertion lorsque l'occasion se présente. Cependant il continue de se battre car ses compagnons font de même. C'est cette motivation mutuelle qui les pousse tous, aucun ne veux rester en arrière quand les copains prennent des risques.

Un petit mot sur les combats car "Gurvan" reste un livre d'action. La description de batailles spatiales peut s'avérer être laborieuse. Mais Hérault s'en sort avec brio. On visualise facilement les affrontements, bien que confus et survoltés. Le jargon militaire présent ne se révèle pas trop lourd, on saisit facilement la hiérarchie et les dispositions de batailles.
Un livre d'action certes, mais la réflexion se centre surtout sur la vie difficile et déprimante de la guerre. Les rares moments de bonheur, surréalistes, sont vécus comme si c'étaient les derniers.
Pas de haine envers les ennemis, d'autres hommes dont on se sait pas grand choses. Gurvan n'est pas un roman manichéen où l'on éprouve aucune compassion pour l'adversaire souvent inhumain et allégorique du mal et de la destruction. Une courte scène en fin de livre nous montre d'ailleurs que les deux camps partagent les mêmes conditions difficiles d’existence.

Gurvan est donc un bouquin intelligent, un brin rêveur. On s'y plonge avec facilité, les personnages sont attachants et les nombreuses phases de combats donnent du rythme au récit. Ne cherchez pas de chute tortueuse ou de rebondissements à tout va: la véritable force se trouve dans l'évolution des protagonistes.

Un roman bien ficelé en somme. Il séduira les amoureux de space opéra guerrier et les apprentis du genre grâce un style simple et épuré de remplissage superficielle.