La magie des nerds ou Comment se construire sa propre religion
J'ai connu la magie du Chaos par les écrits de Grant Morrison (simple magicien et représentant de cette "croyance" dans la culture pop) qui avait mis à profit une méthode très facile pour créer un rituel avec l'aide des lecteurs de sa série The Invisibles, à l'époque où celle ci menaçait d'être annulé faute de vente.
Le rituel consistait à demander à son lectorat de se masturber en pensant très fort à la série afin de collecter une énergie spirituelle suffisante à ce que la série continue d''être publié. Difficile de dire ensuite si c'est le rituel ou la détermination du lectorat qui communiquait avec Morrison par le biais du courrier des lecteurs qui sauva la série, mais elle continua d'exister par la suite.
Qu'importe de toute façon car car la magie du chaos ne fonctionne pas nécessairement sur l'efficacité de ses divinités mais sur la force spirituelle de ses magiciens. L'influence sur la réalité que la psyché humaine peut avoir selon les adeptes de cette magie tient beaucoup du développement de la force de caractère et de l'individualité. Ainsi, quand dans les premiers chapitres Andrieh Vitimus détaille des méthodes de relaxation pour permettre l'utilisation de ses pouvoirs spirituels, on peut y lire aussi une méthode pour gagner confiance en soi décrite avec un vocabulaire magique à la place d'un blabla psychologique light.
Ce n'est par la suite que la question de la magie devient plus proéminence et que l'on parle d'invocation. Pourtant, là encore, c'est surtout la force de caractère et l'imagination du magicien qui est mis en oeuvre. La Magie du Chaos ne repose en effet pas sur des divinités précises mais sur les esprits que vous souhaitez invoquer, qu'il soit associé à une religion particulière ou à un film, un dessin animé ou une bande dessinée. L'important est que vous croyez dans cet entité. On peut voir dans cette logique une application des "règles" de nombreuses histoires utilisant des personnages de fiction dans un univers "réel", qui veut que les personnages bénéficient d'un pouvoir égale au nombre de personnes ayant foi en eux.
A partir de là, l'invocation ne devient plus le résultat de magie tel qu'on l'entends dans des sectes ou dans les spectacles d'illusionnisme, ou presque, puisque c'est le pouvoir de l'imagination qui prime dans l'invocation. Cependant, ce paradoxe entre l'utilisation du vocabulaire de la magie et de l'auto persuasion n'est jamais résolu (mais le contraire aurait été étonnant avec un titre pareille) ce qui fait de ce livre une lecture curieuse pour le sceptique que je suis, incapable de savoir où commence pour l'aspirant magicien la dangerosité de la création d'un monde imaginaire dont le manque de règle rend les efforts pour invoquer un quelconque esprit assez vain si ce n'est dans la manifestation d'une force d'auto-persuasion suffisante pour faire en sorte que l'évènement désiré se réalise.
Pour sauver le monde, faudra donc repasser.
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