Dans le gel de l'histoire s'embrasent les enfants du chaos

Lyotard, Jameson et Osborne ont tour à tour décrit l'histoire comme s'étant achevée, dans ce qu'on aura pu appeler postmodernisme (-ité), contemporanéité ou mondialisation. La glaciation de l'histoire, c'est le règne sans partage du capital, qui occupe tout l'horizon, économique, culturel et politique. En cause : la rupture des accords de Bretton Woods par Nixon en 1971 qui indexait la valeur du dollar sur celle de l'or, ce qui permettra la dérégulation de l'économie ; le développement des nouvelles technologies de l'information ; et la fin de la Guerre froide qui semble "enfin" permettre la mise en place d'une cosmopolitique de la paix.


Avec cette disjonction de l'histoire, c'est également son sujet qui s'évapore : le prolétariat. Le moteur de l'histoire, compris comme étant celui de la lutte des classes s'enraye. Et Lyotard d'enfoncer le clou en 1974 dans son Économie Libidinale : qui êtes vous, intellectuel·les, philosophes, pour vous pencher sur le prolétariat de toute votre hauteur, et déterminer son but ? Pour lui, les ouvrier·es peuvent tout à fait trouver leur compte dans le développement du capital. Puisque le présent semble absorber passé et futur, Jameson abdique : il faut s'accaparer l'appareil d'état, quitte à utiliser l'armée ! Son espoir, vite douchée, repose sur Syriza et Podemos. Pour Osborne c'est encore pire, le capitalisme est indépassable, l'absence de sujet le démontre. Il ne reste plus que l'art contemporain pour refléter les failles du capitalisme, qui s'occupera aussitôt de les intégrer afin de se renforcer.


À son tour, Mikkel Bolt Rasmussen la disparition d'un sujet de l'histoire. Il critique vertement Negri et Hardt, ainsi que les altermondialistes d'avoir chercher une alternative heureuse à la mondialisation ou à un dépassement du capitalisme par le développement accéléré des forces productives. L'espoir d'une contre-mondialisation a surtout masque l'offensive néolibérale, tant et si bien qu'avec la crise de 2008, ce mot deviendra un repoussoir définitif. Il s'en prend également à Jameson et Osborne de faire fi des nouveaux mouvements de rue, qui émergent tout autour du globe, en réaction à l'émergence des nouveaux nationalismes libéraux et autoritaires. Leurs théories sont définitivement hors sol, puisqu'elles ne tiennent pas compte des luttes actuelles.
Pour Rasmussen, les manifestant·es et émeutier·es, qu'ils viennent du Printemps Arabe, d'Occupy, des Indignados, de Syntagma, du Soudan, d'Algérie, de Hong Kong, de Nuit Debout ou encore des rond-points de France, tracent les contours d'une nouveau sujet de l'histoire, d'un peuple qui manque encore, d'une figure qui permettra d'échapper à "la tautologie de l'ultra-gauche". Il convient de s'interroger sur la radicale nouveauté de ces protestataires, qui ont émergé "à partir de rien", et qui esquissent, révolte après révolte, les contours d'une nouvelle subjectivité révolutionnaire.


Ma note est relativement basse, car en dépit de l'intérêt des thèses soulevés, on dirait que l'auteur vient à peine de se réveiller après 10 ans d'insurrections, d'occupations de places, et de tout autant d'années d'enquêtes anarchistes qui ont déjà tenté de dresser le portrait de ce nouveau sujet révolutionnaire. Son article s'inscrit certes dans une démarche plus universitaire, et cherche visiblement à convaincre des intellectuel·les ou des chercheur·ses, mais j'y trouve un intérêt finalement maigre. Remarque : ça peut toujours servir à claquer le clapet d'un post-moderniste désenchanté.

khms
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le 20 sept. 2020

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