Se mettre à nu,

Ma maman a offert ce livre à mon père pour son 40ème anniversaire, un cadeau aussi audacieux qu'inattendu, qu'il n'a jamais daigné toucher. À l'âge de six ans, j'étais une petite fille avide de découvertes, plongée dans un univers qui me semblait inaccessible. Lorsque, à sept ans, j'ai saisi ce volume dans mes petites mains, j'ai senti le poids d'un monde entier peser sur mes frêles épaules. Non seulement par ce que ce livre pesait une tonne mais surtout par ce que c’était comme si j'ouvrais une porte vers un royaume interdit.

Le choc des images, ces grandes dames nues, m'a frappé comme un éclair : la réalité, l'art, la société, tout cela se mêlait dans un tourbillon d'émotions contradictoires. La gêne, le dégoût, l'envie, et une incompréhension vertigineuse. Chaque page était une invitation à explorer le regard des adultes, une quête d'innocence perdue. C'était la première fois que je m'interrogeais sur l'esthétique sous cette forme dérangeante.

J'ai revisité ce livre à différents âges, à chaque fois frappé par la distance qui me séparait de la petite Louise d'avant, comme si elle s'effaçait peu à peu derrière le filtre de ma propre évolution. J'avais encore grandi, je voyais et ressentais de nouvelles choses. Le même livre, mais une nouvelle expérience à chaque fois.

La nudité, ce grand sujet de l'art, m’a suivi dans ma vie de femme. Entre la provocation et la rédemption, entre la vulnérabilité et la force, entre l'exposition et l'intimité, entre l'innocence et la sensualité, entre la liberté et la contrainte, entre la séduction et l'indifférence, entre l’authenticité et la façade, entre le rêve et la réalité, entre l'égalité et la soumission, entre la fierté et la honte, entre l'art et l'exploitation. En bref un miroir déformant de la nature humaine. ORLAN m'a appris que le nu peut être à la fois la putain et la mère, la pieuse et l'amoureuse, un jeu d'ombres et de lumières, une danse délicate entre l'intime et le public.

Un livre qui, malgré sa froideur, m'a ouvert les yeux sur la complexité du monde, m'a poussé à questionner mes propres émotions, mes désirs et mes doutes. C'est cette richesse d'interprétation qui rend le livre de Newton intemporel. Sa capacité à recueillir des réflexions profondes sur l'art, la beauté et la féminité en fait un ouvrage marquant. À travers le prisme de Newton, le nu se révèle comme un sujet complexe, riche de significations et d'interprétations. C'est un dialogue continu entre l'artiste, le modèle et le spectateur, une invitation à voir au-delà des apparences et à embrasser la beauté sous toutes ses formes.