Victor Hugo vogue tout naturellement dans le courant de l'Histoire. Il est en quelque sorte prédestiné à l'Historicité et à l'Historicisme. Ses premiers vers, ceux des années 20, sont d'inspiration vendéenne : catholique et monarchiste toujours ! Sauvons, sauvons la France au nom du Sacré Cœur ! Qui lui reprocherait ? Les Chouans, Cadoudal et l'armée de Condé viennent d'être revalorisés par la Chambre Introuvable. Et il est bien légitime que Louis XVIII octroie une pension à un garçon d'avenir qui s'est crânement pénétré des idées de son temps (...) Victor Hugo a vingt et un ans. Nul mieux que lui n'a dépeint, ensuite, l'affreuse misère dans laquelle se débattent les jeunes poètes (...)
Cousteau évoque ensuite l'avènement de Charles X qui nomme "son aimable panégyriste chevalier de la Légion d'honneur", âgé de 23 ans. Puis advient la destitution du roi et la "révolution" de 1830 :
"Ses ailes de géant ne l'empêchent pas de marcher dans la bonne direction. Dès que la victoire des barricadiers est assurée, n'écoutant que sa conscience, il vole, plume en main, à leur secours. Et point, si j'ose dire, avec le dos de la cuillère (...) Le fils de Philippe-Egalité connaît les usages. Il sait qu'un gouvernement digne de ce nom se doit d'encourager les ralliés. Hugo est promu officier de la Légion d'honneur. Puis, quelques années plus tard, après son élection à 'Académie, il est nommé Pair de France."
Arrive, alors, une nouvelle révolution, celle de 1848 en faveur de laquelle il opère un ralliement supplémentaire qu'il effectue avec une souplesse qui "confine au grand art" :
"Pas la moindre raideur. Du travail en souplesse. Du coup d'œil. De la volonté. De la promptitude. De la précision. Un sens aigu de l'occasion. Et cette étincelle de génie qui détermine le succès (...) Victor Hugo s'installe parmi les vainqueurs de 48. Il s'y heurte - c'est inévitable - à la jalousie de militants à l'âme contrefaite qui s'autorisent de leurs années de prison pour trouver que la foi républicaine du pensionné de Louis XVIII, du décoré de Charles X et du Pair de France de Louis-Philippe est un peu jeunette. Hugo dédaigne ces attaques. Il plante un arbre de la Liberté. Il surenchérit sur les harangues de ses rivaux. Et finalement, il est élu député de Paris : le peuple de la capitale a toujours eu un goût évangélique pour les durs de la onzième heure."