Pas de critique, pas de note, pas de commentaire sur le site pour Intra Muros, journal de prison de Cousteau ; pas Jacques-Yves Cousteau, mais Pierre Antoine, dit « l’Autre Cousteau », ancien patron de Je Suis Partout, emprisonné à la Libération pour je ne sais plus quelle infraction (trahison ? Intelligence avec l’ennemi?).
Dans ce journal, PAC revient sur ses lectures (enfin un homme qui avoue son désintérêt pour l’hermétisme de la poésie!), nous livre ses pensées sur l’époque, son sort, les hommes de son temps. Cette lecture est un autre regard, l’occasion d’essayer de comprendre les motivations d’un homme de la collaboration (a-t-il vraiment collaboré? A-t-il travaillé contre la France et pour l’Allemagne? Il déclare ; finalement assez pragmatique, qu’il a été très loin de vouloir favoriser l’Allemagne, qu’il a vue, comme tout État en guerre contre sa Patrie, comme un ennemi). Les couleurs de l’histoire, à cette lecture, se font moins contrastées, plus uniformes ; moins criardes, plus nuancées ; ce qui en ressort, c’est avant tout, suite à la défaite française, le choix de l’Allemagne contre la Russie (sans oublier la méfiance avec l’Angleterre) ; celui du fascisme contre le communisme ; celui de l’ouest contre l’est, de l’Europe contre l’Asie. C’est un autre monde qui prend forme sous les commentaires de Cousteau : celui où les vaincus sont les héros d’une cause devenue désespérées, celui où on exalte les combattants de la LVF… Bref, un regard assez original aujourd’hui. Peut-on encore le comprendre ? Pour ma part, j’avoue avoir eu du mal à concevoir qu’on puisse préférer s’attaquer à l’ennemi lointain prioritairement à celui qui occupe déjà son territoire)
Ce journal, parfois drôle, est la chronique d’une Libération vue sous un aspect inhabituel, dégoûtant: un peu comme chez Aymé, avec Uranus, PAC peint avec ironie la violence parfois absurde des vainqueurs, l’injustice dont sont victimes des hommes dont la seule erreur, estime PAC, est de ne pas avoir choisi le bon camp. Riche en anecdotes, comme celle de ces Allemands qu’on a jugés pour intelligence avec l’ennemi, ce journal est aussi pour l’auteur l’occasion de préciser sa pensée, égratignant profondément au passage les grandes valeurs des vainqueurs. Pour exemples. Les droits de l’homme ? Pourquoi l’homme aurait-il des droits ? Et, vu le traitement infligé aux vaincus, les exactions qu’il considère avoir été commise par les Alliés (destruction de villes, notamment en Allemagne), peut-on encore penser que les Droits de l’Homme ne sont pas une tartufferie ?
Il ressort de cette lecture que PAC a fait partie des victimes potentielles à exécuter pour permettre à la France libérée de se rebâtir sur des fondements socio-politiques solides (victime girardienne). Il tire de cette quasi mise à mort une rancœur profonde contre la France et le peuple français (un peu à la manière d’un De Gaulle à la suite de son éviction), par des propos souvent durs, finalement peu argumentés (en même temps, ce n’est pas un essai) qui le conduisent à faire un éloge qui, après réflexion, semble assez actuel (qui m’horripile de la part de PAC comme de la jeunesse jouisseuse et dynamique).
Il m’est arrivé de rire, ou du moins d’être amusé, soit par la violence de certains propos, par la manière dont ils heurtent de manière brutale les idéologies de notre temps, soit par des tournures ou des dénominations amusantes (Dudule pour Hitler), bien qu’échappant parfois à ma compréhension (le Hurlevent pour De Gaulle), ou encore par les lettres à certains de ses proches dans lesquelles il soupçonne son frère de ne pas suffisamment mettre à profit sa notoriété pour le libérer.
Ce journal, ne l’oublions pas, est avant tout celui d’une détention. On y trouve donc le récit d’une lutte entre un homme du monde élégant et la promiscuité carcérale (en particulier les pets des autres détenus), et une indication sur ce que pouvait être le traitement réservé aux vaincus, aux hommes que l’histoire retient comme les plus compromis.
Bref, une lecture à mon avis intéressante pour qui s’intéresse à d’autres points de vue sur la période.