Voilà : j'avais dans l'idée de relire ce livre avant d'en écrire la critique, au cas où... Au cas où j'en sais rien, en fait. Je fais ça régulièrement pour une partie des pièces de théâtre que je lis, et je me rends compte que c'est du perfectionnisme finalement mal placé. C'est pas comme si vous vous attendiez à lire une thèse hyper pointue sur le théâtre grec et que je doive revoir toutes mes sources en détail pour être fin prête. Bon, c'est vrai que je suis lente aussi à me décider à écrire mes critiques, et qu'entre la lecture et l’écriture, je me rends compte que j'ai parfois oublié deux-trois trucs, ou que je croie avoir oublié, ou que... Bref.


Je cherchais un ouvrage sur le théâtre grec antique qui soit accessible à un large public : pas question pour moi de lire une somme de 3000 pages sur le sujet. Et de livre disponible en bibliothèque que je puisse feuilleter, je n'en ai trouvé qu'un : celui dont je vous parle aujourd’hui. Qui m'a paru peu avenant au premier abord (je m'en expliquerai plus tard). Mais bon, avais-je bien le choix ? Non, donc je m'en suis contentée. Et bien m'en a pris, car j 'ai tellement apprécié cette Introduction au théâtre grec antique, je l'ai trouvée tellement indispensable pour les néophytes tels que moi, qu'après avoir rendu le livre à la bibliothèque, je l'ai acheté. Parce que j'étais certaine que j'allais m'y replonger régulièrement - et c'est le cas.


Première qualité, il est très bien fichu, avec ses cinq chapitres sur la naissance du théâtre grec antique, sur le théâtre à Athènes à l'époque classique (car qui dit grec ne dit pas forcément Athènes), sur la tragédie, sur la comédie, et enfin, sur la postérité du théâtre grec antique. Rien à dire sur cet enchaînement logique et complet de l'histoire du théâtre grec antique. La seconde qualité, c’est que c'est très clair tout en restant concis, alors que l'histoire du théâtre grec n'est pas si simple à appréhender. Certes, il ne faut pas décrocher lors du premier chapitre, sans quoi on serait vite largué aux suivants, mais un peu de concentration et de motivation permettent de suivre aisément les aléas et le chemin qui ont mené, d'une part, à la naissance du théâtre grec antique proprement dit, et, d'autre part, à celle du théâtre grec dit "classique", c'est-à-dire celui du Vème siècle que nous connaissons, avec Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane et Ménandre. Je note au passage qu’il est fait mention d'autres auteurs dont il ne nous reste malheureusement pas grand-chose, et de leur éventuelle influence sur le théâtre des célébrités que je viens de nommer.


Ce qui m'a particulièrement frappée et intéressée, au-delà de la question des pièces elles-mêmes (dont il ne reste que peu de choses), c'est tout ce qui a trait au contexte - au point que j'ai maintenant envie de me lancer dans l’histoire grecque du Vème siècle -, notamment lorsqu'il est fait mention des relations entre politique, religion et théâtre ; à ce que signifiait le théâtre antique grec, en tant qu'élément de la vie publique et en tant que spectacle à part entière. Mais apprendre comment fonctionnait le théâtre grec et comment il a évolué - toutes ces histoires de chœur et de choryphée, que je connaissais tout de même un peu, de protagoniste(s), d'autel de Dyonisos et de musique, d'effets spéciaux (mais oui!!!), avec eccyclème et compagnie... Tout ça m'a permis de saisir le gouffre qu'il y a à lire une pièce de, mettons, Euripide... et puis, non, de Sophocle, vu que je préfère Sophocle, en fait... de saisir le gouffre, donc, disais-je, qu'il y existe entre la vision, la lecture, la mise en scène d'une pièce du théâtre grec antique de nos jours, et cette pièce telle qu'elle se présentait à son époque. Ce qui n’empêche pas de comprendre, grâce aux analyses du théâtre de chaque dramaturge par Paul Demont et Annie Lebeau, ce qu'il y a paradoxalement de novateur chez chacun d'eux, mais aussi d'universel. Enfin, je ne serai jamais trop reconnaissante à nos deux auteurs de ne pas être tombés dans le panneau de l'hypothèse du bouc émissaire et de ce genre de spéculations hasardeuses et jamais validées : ils sont bien trop informés pour ça et s'ils émettent des hypothèses, c'est avec prudence - en revanche, j'avais en 1992 une prof de fac qui m’assommait avec des cours ennuyeux sur Racine (que j'adorais jusque-là) et qui nous sortait l'hypothèse du bouc émissaire en tant qu’origine du théâtre grec comme certaine, alors que le livre de Demont et Lebeau était déjà sorti et qu'il devait exister depuis un moment des recherches qui remettaient cette hypothèse en question. Comme quoi les universitaires ne sont pas toujours très fiables, et parfois assez feignants... Passons. Dernière qualité de ce livre : on ne nous bourre pas le crâne avec Aristote et ses écrits sur la tragédie, qui sont loin de donner une idée complète et objective du sujet.


Pour finir, juste quelques mots pour nuancer cet enthousiasme délirant. J'ai dit que le livre m'avait peu attirée lorsque je l'avais feuilleté la première fois, et pour cause : la partie consacrée aux dramaturges du Vème siècle comporte tous les résumés de leurs pièces, soit entières, soit comportant suffisamment de fragments. C'est le moment un peu aride du livre, et ce d’autant plus lorsqu’on en arrive aux nombreux résumés concernant Aristophane. Cela dit, c'est nécessaire, bien qu'un peu ennuyeux, pour l'analyse qui suit ces résumés. À lire en faisant des pauses de temps à autre ! Pour le reste, je regrette un peu que les auteurs ne se soient pas davantage penchés sur l’interprétation très discutable qu'ont donné du théâtre grec antique les dramaturges classiques français du XVIIème, tels Racine. Il est vrai que le chapitre consacré à la postérité du théâtre grec antique n'est pas le plus développé.


Bref, c'est un basique, sa lecture en apprendra beaucoup à plus d'un, vous pourrez faire les malins en citant des mots savants comme "eccyclème" dans la bonne société, et le livre ne comporte qu'un peu plus de deux cents pages (j'aurais pas été contre quelque chose d'un peu plus long finalement, parce que je suis jamais contente).

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le 18 mars 2019

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