La Face cachée de la course à la Lune

Aidé de Donald Davis, Eugène "Gene" Cernan nous fait revivre les différentes étapes de la fantastique aventure que fut la conquête spatiale. Dire que Cernan sait de quoi il parle est un euphémisme car il est toujours à l'heure actuelle le dernier marcheur lunaire et celui à y avoir marché le plus longtemps.

Son parcours force le respect. Diplômé de l'université de Purdue (comme Armstrong) et pilote dans le corps des Marines, il participe à une grande manœuvre dans le Pacifique quand il prend connaissance, en Avril 1959, de la première sélection d'astronautes par la NASA, les fameux Mercury Seven (Al Shepard, Gus Grissom, John Glenn, Scott Carpenter, Wally Schirra, Gordon Cooper et Deke Slayton) héros, avec Chuck Yeager (premier homme supersonique), du Right Stuff de Wolfe puis de Kaufman.
Fasciné par l'aventure naissante, il étudie l'aéronautique à l'université de Monterey (ville chère à Steinbeck) avec son ami et futur astronaute Dick Gordon et se spécialise dans la propulsion des fusées. Ce diplôme lui confèrera plus tard l'étiquette de "Tanks" au sein du programme Gemini.
En Septembre 1962, la NASA annonce une deuxième liste d'astronautes sélectionnés, les New Nine, qui compte parmi les astronautes les plus célèbres (Neil Armstrong, Frank Borman, Pete Conrad, Jim Lovell, Jim McDivitt, Elliot See, Tom Stafford, Ed White et John Young). S'il répond aux critères d'âge et de formation,Cernan n'a pas le quart de l'expérience des neufs comme pilote d'essai.
Il intègre toutefois au printemps 1963 une troisième liste de 14 astronautes, sélectionnés notamment pour le programme Apollo qui s'annonce. Il forme avec son ami Dick Gordon et douze autres astronautes (Buzz Aldrin, Will Anders, Charly Bassett, Al Bean, Roger Chaffee, Mike Collins, Walt Cunningham, Donn Eisele, Ted Freeman, Rusty Schweickart, Clift Williams et Dave Scott) le groupe des Fourteen.
Nommé pilote dans l'équipe de réserve de Gemini 9, il est rapidement promu, avec son commandant Tom Stafford, équipage titulaire suite au crash mortel du T-38 de Bassett et See, respectivement premier commandant et pilote titulaires. Ce sera donc à Cernan d'effectuer la troisième sortie extra-véhiculaire de l'histoire (EVA) et le premier test de l'unité de manœuvre et de propulsion AMU. Cette EVA s'avèrera chaotique pour l'astronaute (il perdra plusieurs kilos pendant les 2h09 que dura la sortie) qui envoya notamment valdinguer son Hasselblad malencontreusement d'où le peu de clichés qu'il existe de son périple.
Toujours sous le commandement de Stafford, et avec John Young comme pilote du module de commande CSM (Charlie Brown), il participe au vol Apollo 10 en tant que pilote du Module Lunaire LEM (Snoopy), grande répétition avant le vol d'Apollo 11 et la marche inaugurale d'Armstrong et Aldrin, programmée pour l'été 1969. Au moment de la phase de séparation de l'étage de descente du LEM pour la remontée vers le CSM, Cernan gratifia Mission Control d'un "son of a bitch" alors qu'il rétablissait son engin qu'il avait envoyé dans le décor après une erreur de manipulation.
Le 11 Décembre 1972, il foule finalement le sol lunaire dans la vallée de Taurus-Littrow avec le géologue Harrison Schmitt, premier civil dans l'espace pour la NASA, Ron Evans gravitant autour de l'astre à bord de son module de commande et de service. Schmitt et Cernan quitteront la Lune le 14 Décembre, après trois jours de séjour et 22 heures et 4 minutes de promenade sélénienne.

Loin des représentations officielles, qui étaient toutefois une part importante de leur métier, Cernan nous fait vivre le quotidien des hommes de l'espace, des tests d'aptitudes physiques et intellectuelles à l'attente des affectations de missions, des entrainements longs et éreintants qui se poursuivaient jusque tard le soir aux derniers préparatifs avant le décollage, en passant par les rares moments en famille ou les barbecues entre astronautes sans oublier les moments de tristesse et de deuil notamment suite au crash du T-38 de Bassett et See et à l'incendie au sol de la capsule Apollo 1 qui couta la vie à trois des leurs (Grisson, White et Chaffee) trois des meilleurs astronautes du programme, sans doute prédestinés à être les premiers à se poser sur la Lune.
Tantôt drôle, parfois triste, toujours passionnant et émouvant, le onzième marcheur lunaire n'oublie pas non plus de rendre hommage à sa femme d'alors, Barbara Atchley, et à celles des autres astronautes dont le rôle dans cette grandiose aventure a été plus que prédominant, de l'éducation des enfants à la patiente dont elles firent preuves durant les entrainements et les missions de leur maris sans oublier leur rôle essentiel auprès de l'opinion publique et donc des financiers, elles furent le socle sur lequel s'est bâtie l'Histoire de l'homme dans l'espace. Si astronaute était un métier, femme d'astronaute en était aussi un, et un plus dur, loin des louanges et le la lumière, trop près de l'ombre.
Un livre absolument essentiel pour quiconque s’intéresse à la conquête spatiale.