Dans tous les sens
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J’ai dit ailleurs à quel point la pièce Joko fête son anniversaire était riche Dans le roman dont elle est l’adaptation, quelque chose de plus s’y trouve, un genre de basculement qui fait du Joko de 1969 l’un des meilleurs récits d’horreur que j’aie lus.
« Depuis deux ans qu’il est employé à la citerne de M. Borota, Joko est toujours arrivé à l’heure. Pourtant, ce matin, il n’a pas entendu le réveil et il doit se dépêcher pour ne pas être en retard. » (chap. 1) : ça commence comme la Métamorphose en accéléré. (Voir aussi, autre lien entre Topor et Kafka, les imprécations du père au chapitre 23.) Car dès la troisième phrase, dans le même paragraphe, « Tout à coup, au coin de la rue, quelqu’un saute à califourchon sur son dos. » La fin ressemblera bien moins à du Kafka qu’à du Brian Evenson ; malgré la connotation de son titre, ce récit n’est pas du tout pour les enfants.
Roman de l’aliénation dans quelque sens que l’on prenne ce terme, de la destruction et de la torture, « de la cruauté et de la ridiculisation du monde entier » (préface de Pacôme Thiellement, par ailleurs réussie, p. 10 de la réédition des Éditions Wombat), Joko fête son anniversaire pratique le jusqu’au-boutisme dans chacun de ces domaines. « Il [Joko] dort d’un sommeil traversé de cauchemars. Dans son rêve, il est malade, si bien qu’à force de porter des congressistes ils sont restés collés sur son dos. Ils l’insultent, le frappent, lui font subir d’atroces souffrances sous prétexte de le soigner. », lit-on à une dizaine de chapitre de la fin. Dans un récit ordinaire, le personnage se réveillerait pour retrouver une vie normale ; dans Joko, le cauchemar n’est qu’un redoublement de la réalité.
Quant à la galerie des personnages qui ont engendré ledit cauchemar, elle est aussi riche que le récit – on verra en eux aussi bien le fruit des fantasmes personnels de Topor que des caractères sociaux, ou des allégories morbides de la condition humaine.
À ce stade, ce n’est même plus de l’humour noir ou de l’horreur, c’est de l’atrocité sans fond.
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Créée
le 20 nov. 2016
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