Le personnage anarcho-nihiliste a une limite: celle de poser!
J'ai découvert Edouard Limonov quand Emmanuel Carrère a sorti un livre où cet homme servait de prétexte à une relecture biographique. Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai trouvé Journal d'un râté signé du vrai Edouard Limonov et que je me suis décidé à lire la prose de cet homme qu'à présent je ne considère ni comme un écrivain, ni comme un poète ni même comme l'ébauche d'un initié aux rouages politiques.
Edouard Limonov a beau avoir une vision extrêmement pessimiste et méprisante de l'humanité ( qui a cependant quelques moments de clarté), son Journal d'un râté est inclassable.Ce n'est pas exactement un journal intime sincère d'un homme frustré et désabusé de sa propre existence, de l'état de ses semblables comme ce n'est pas une chronique de la vie new-yorkaise d'un homme aux modestes ressources qui attend son heure. A vrai dire, le nihilisme ras les pâquerettes de ce monsieur occupe ostensiblement son "livre" où il dépeint les gens de son entourage proche comme des figurants d'une comédie de boulevard low-cost ( la Cantatrice chauve, la gouvernante du millionnaire et j'en passe). Les femmes qui partagent alors sa couche sont des objets sexuels bêtes,sans saveurs et inconsistants si ce n'est que pour "leurs fentes" ouvertes à son appétit sexuel jamais rassasié. Et si ce n'était que cela. En effet, Limonov confie ses envies destructrices, sa volonté de prendre son fusil pour un oui ou pour un non, de fomenter des attentats. C'est à ce point précis que le lecteur peut se demander justement si ce pseudo agitateur d'idées n'est pas un mythomane, que la posture n'est qu'un pas vers l'imposture. A propos, je vous invite à découvrir les dernières frasques d'Edouard Limonov que vous trouverez sur des biographies succintes mais bien à jour sur Internet, juste pour voir l'éventail d'action de cet homme.Vous vous ferez votre propre idée et apprendrez bien des choses sur cet ex militaire, militant, "écrivain" ou autres casquettes.
En tout cas, l'homme est intelligent puisqu'il a déjà réussi à se faire publier deux fois, ce qui n'est pas rien non plus. Ce qui sauve le Journal d'un râté, c'est la description que fait Limonov des bas fonds de New-York, la déjà grande précarité de cette ville des années 70 au début des années 80. En tant que "russo-ukrainien", l'auteur décrit implaquablement un consumérisme galopant où l'homme moderne (pas uniquement lui) galère pour voir de la lumière dans sa vie de tous les jours. En acceptant de se mettre en scène avec plus de modestie et moins d'outrances, Edouard Limonov aurait pu toucher un lectorat plus réceptif et moins dubitatif quant à ses réelles intentions. Or, comme il le prouve lui-même à travers plusieurs rapports de sa vie quotidienne, sa démesure ne peut cohabiter avec la banalité d'un monde atrocement primaire.