Christophe Naudin est professeur d’histoire-géographie au collège et rescapé de la tuerie du Bataclan perpétré par l’Etat Islamique. Il assiste le soir du 13 novembre 2015 au concert des Eagles of Metal dans la salle de spectacle du Bataclan. Il y perd l’un de ses proches amis. Il signe un livre, Journal d’un rescapé du Bataclan, être historien et victime d'attentat. L’enseignant en histoire médieval, spécialiste de l’Islam nous expose sa vision des faits sur les évènements qui ont boulversés la France.

Résolument progressiste, son ouvrage mêle la vision d’une victime d’attentat à celle de l’historien. On y suit donc sa reconstruction mentale sur un plan purement personnel, ainsi que son analyse politique. Une de ses requêtes, un des messages importants qu’il veut faire passer, s'adresse aux politiques, à qui il demande de ne pas instrumentaliser la souffrance des victimes.

Par ailleurs, l’enjeu du terrorisme est pluriel. Il y a aujourd’hui un brouillage entre l’étatique et le non étatique, l’intérieur et l'extérieur, ce qui est d’autant plus inquiétant. Les responsables de l'attentat du Bataclan, membre de l’Etat Islamique sont tous français ou à minima européens, d'où le débat sur la déchéance de nationalité en novembre 2015 à la suite des récents événements. Nous sommes aujourd’hui dans un brassage ou une certaine forme de chaos entre la guerre et la paix. Par conséquent, notre époque est aussi l’incarnation d’une défaite de la théorie avancée par FUKUYAMA en 1992, selon laquelle il n'y avait pas d’idées nouvelles et qu’ainsi tout le monde se convertirait au capitalisme américain. Cela semble évidemment illusoire.

D’autre part Christophe Naudin formule sa pensée en s’opposant à différentes théories et personnages de divers bords politiques. Il s’oppose premièrement à la théorie du choc des civilisations de HUNTINGTON. Selon qui, la civilisation et particulièrement les éléments religieux constitutifs de celle-ci, apparaissent comme les déterminants centraux des conflits. Cependant, cette même théorie met de côté le facteur politique, comme la prise en compte de l’intérêt national dans la construction d’une politique étrangère, et réduit la complexité des situations; ce à quoi Christophe Audin s’oppose.

Pour autant le professeur d’histoire n’adhère pas à l’idéologie qui veut que le terrorisme soit une réponse à l’impérialisme occidental, ou au politique liés au Moyen-Orient, parfois encore la colonisation israelienne.En somme, l’établissement d’une psychologie des acteurs du djhiad. La remise en cause de cette idéologie, parfois taxée vulgairement par les médias français “d’islamo-gauchisme” porte un intérêt particulier, car c’est une formulation de réponse qui peut-être fournie par les djihadistes eux-même. Faire le choix de l’accepter, c’est donc légitimer le discours des agresseurs, pour autant passer outre, c’est prendre le risque de négliger certains mécanismes de la radicalisation. Par exemple, lors du procès des attentats du 13 novembre, Salah Abdeslam, l'un des terroristes responsable du massacre, se dédouane de ses actes en justifiant qu’il aurait agit en réaction à la coalition contre la Syrie et qu’il a je cite “pris le partie des plus faibles”.

De bourreau il devient alors martyre, omettant par la même occasion que de nombreux pays musulmans faisaient partie de cette coalition ou bien que les frappes françaises n’ont démarrées que le 27 septembre 2015 alors même que le projet terroriste était déjà planifié.

Pour Christophe Audin, ces attentats ne sont pas non plus des épiphénomènes, ni des actes isolés les uns des autres, en dépit de ce que l’on peut entendre. Il est indispensable, selon l'historien, de renforcer les objets de recherche insuffisamment abordés comme la propagande, la sécurité, le comportement etc…afin de développer des approches innovantes qui empruntent des chemins moins balisés. Et il serait entre autres précieux de travailler sur l’idéologisation de la religion – ce qu’on a appelé un temps le fondamentalisme – qui joue un rôle non négligeable dans les phénomènes actuels.

Pour formuler brièvement mon avis, c’est un livre appréciable pour sa qualité de témoignage et son analyse politique propre à la France plus qu’au terrorisme dans son ensemble et son caractère internationale. Cependant, l’analyse de Christophe Naudin me semble à la fois incertaine et quelque peu décousue. Il s’oppose aux doctrines communes sur le djihadisme et avec une certaine justesse, ses arguments étant pertinents, sans pour autant ne jamais proposer une idée concrète et définie de ce qu’il pense. Je crois pouvoir récapituler son ouvrage, non sans une pointe d’ironie, qu’il n’est pour le moins pas d’accord.

mrs1000a
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le 14 nov. 2022

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