Juste un peu de temps est un livre qui devrait être lu par tous les hommes entre 35 et 45 ans, père de famille d'enfants en bas âge, dont la femme exerce une activité professionnelle. Car oui, Juste un peu de temps est la traduction de haute volée de tous les stades par lesquels passent la femme moderne dans la société qui est actuellement la notre en France.
Sophie, 35 ans, 3 enfants, job à plein temps, mari aimant, gère tout, ou presque tout, il faut quand même laisser croire au père de famille qu'il est différent de la génération précédente et que l'égalité des sexes n'est pas qu'un terme illusoire inscrit dans les conventions collectives et les règlements intérieurs de nos sociétés.
Sophie, overbookée, mais pas à aller bruncher avec ses copines dans le genre Sex in the City, c'est plutôt le genre : couche, dentiste, épilation, devoirs, linge, assurance sociale, réunions pro ... Tout est anticipé, préparé, analysé, mais ce tout ne laisse plus de place à rien d'autre. Comme je me suis reconnue en Sophie ou en Aurélie : leurs angoisses, leurs doutes, le stress quotidien pour devenir la mère parfaite, la femme parfaite, l'amante parfaite, la professionnelle parfaite.
Dans ce roman, pas de tabous, les sujets sont évoqués avec simplicité et honnêteté :la demande en mariage pas comme on l'aurait espérée, l'annonce de la grossesse à son supérieur, la vie sexuelle au point mort au détriment des nuits découpées, hachées menues par l'ainé qui fait des cauchemars et le benjamin qui fait ses dents ; la fatigue et le cumul de fatigue physique et intellectuelle qui gâche tout. L'accouchement et le reflet dans le miroir de ce corps qui ne nous appartient plus et qu'on est obligé de vivre avec. Et surtout, tout ce qu'une femme fait dans l'intérêt des autres en s'oubliant, dilemme entre dire oui et se sentir frustrée et dire non et passer pour une égoïste qui ne comprend rien.
Caroline Boudet a su trouver les mots et les poser pour décrire la réalité de notre quotidien avec tant de facilité que j'en suis jalouse.
J'ai beaucoup apprécié le découpage de ce roman, principalement centré sur l'introspection de Sophie mais en intercalant plusieurs personnages.
Loïc, son mari, qui ne comprend pas pourquoi Sophie est partie, franchement c'est pas le moment, qui n'est pas comme son père, il passe l'aspirateur tout de même.
Raphaella, l'amie bobo restée à Paris, pas d'enfants, pas de job à plein temps, qui s'épanouie dans l'art, et vit pleinement sa vie sexuelle quand elle en a.
Virginie, la voisine débordée qui ne comprend pas comment Sophie fait pour être parfaite, la jalouse l'envieuse mais qui n'a pas compris que Sophie porte un masque et souffre tout autant qu'elle. Mais l'herbe est soit disant toujours plus verte à côté.
Et puis, il y a Yann, le fils ainé qui comprend avec ses propres mots la situation mais qui n'a jamais de doutes, car maman lui a toujours dit qu'elle l'aimerait toujours.
Ce kaléidoscope interpelle, fait sourire et pleurer. Mais dans quel monde vivons-nous ?
Plus qu'un roman, Juste un peu de temps est un essai sur le quotidien d'une mère qui essaye de faire ce qu'elle peut mais tout en le faisant bien. Quant à la fin, de ce roman, à vous d'imaginer la suite, mais pour moi, on ne change pas...
Merci Caroline Boudet d'avoir mis des mots là où je n'y arrivais pas. Je suis touchée, soulagée, de savoir que je ne suis finalement pas la seule et que j'ai pris la bonne décision, même si au final, c'est tellement triste que nous devions subir cette charge mentale...
Le mot de la fin :
Un livre qui j'espère pourra faire ouvrir les yeux à ses messieurs et qui permettra de rendre moins seule toutes ses femmes qui vivent la même chose. Un livre sensible, drôle, émouvant, triste, qui remue et auquel on ne peu rester insensible, car c'est ce nous nous vivons au quotidien. Un coup de cœur pour avoir su mettre des mots, là où on se voile la face. Merci.
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