LES OISEAUX ET LES FLEURS
Fiche technique
Résumé : I. LES allégories que je publie étaient inédites. Hadji-Khalfa, dans sa Bibliographie et, probablement d'après lui, d'Herbelot, dans sa Bibliothèque orientale, se contentent de donner le titre sans aucun autre détail ; mais le célèbre William Jones s'exprime ainsi au sujet de cet ouvrage, dans ses Poeseos asiatica Commentarii, p. 447, édit, or. : Inter opera rhetorica numerari potest libellus, qui appellatur hoc est, Arcanorum patefactio de avium et florum proprietatibus. Auctor fuit Ezzo'ddin, qui cognomen , sive Oratoris adeptus est, Argumentum persimile est Couleii libro, quem Sylvas nominat ; sed non flores solum atque herbae, verum aves etiam, praeterea apis, aranea, bombyx et zephyrus etiam, in hoc opusculo loquentes inducuntur, ac de suis virtutibus venustissime disserentes. Est profecto libellus cum pulcherrimarum imaginum copia, tum orationis nitore ac venustate absolutissimus. » Ainsi que l'observe l'orientaliste anglais, l'auteur ne s'est pas borné à mettre en scène des fleurs et des oiseaux, ce que le titre semble annoncer, mais il y fait paraître des insectes, des quadrupèdes, la nue et la bougie même. Du reste, il y a quelques différences entre les titres des manuscrits, comme je l'indiquerai plus bas. Azz-eddin commence par établir qu'il n'est rien dans la nature qui ne soit doué de la faculté de se faire entendre d'une manière sensible ou intellectuelle. A l'homme seul est réservé l'usage de la parole ; mais les autres créatures animées ou inanimées semblent aussi s'exprimer dans un langage figuré, dont leur manière d'être, leurs propriétés, leurs habitudes donnent l'intelligence. L'auteur nomme cette sorte de langage ,[1] langue de l'état ou de la situation ; ce que l'on peut rendre par langage muet. Partant de cette idée, il se suppose au milieu d'un jardin : là, occupé à étudier les discours emblématiques des objets que la nature offre à nos sens, il s'applique à les interpréter, et.son livre développe tout ce qu'une imagination orientale peut découvrir dans ce langage mystérieux. Azz-eddin, dans sa préface, expose son plan à peu près comme je viens de le faire ; toutefois il ne s'exprime pas avec la précision que Ton attendrait d'un Européen : d'après les expressions dont il se sert, la dernière partie de son discours préliminaire semblerait devoir en être la première. Il est évident que, dans ces allégories, l'intention de l'auteur est de tirer, de ce langage muet de la nature, des idées non-seulement morales et religieuses, mais encore spirituelles et mystiques; idées qui sont bien plus naturelles qu'on ne le pense communément. En effet, « ne trouvant rien ici-bas qui lui suffise, l'âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir: en s'élevant à la source du sentiment et de l'être, elle y perd sa sécheresse et sa langueur ; elle y renaît, elle s'y ranime, elle y trouve un nouveau ressort, elle y puise une nouvelle vie, elle y prend une autre existence qui ne tient point aux passions du corps; ou plutôt, elle n'est plus en elle-même, elle est toute dans l'être immense qu'elle contemple, et, dégagée un moment de ses entraves, elle se console d'y rentrer par cet essai d'un état plus sublime, qu'elle espère être un jour le sien. » (J. J. Rousseau, Nouvelle Héloïse, t. IV.)