Un livre iconoclaste, plutôt novateur et audacieux dans son approche. Philippe Bihouix y expose les limites de notre civilisation thermo-industriel et l’impasse du progrès technique face à la raréfaction des ressources.
Pour palier à la disparition à venir du pétrole, des métaux et du charbon, il nous incite à entrer dans l’ère des « low tech ». Celles-ci s’opposent aux « High-tech », technologies présentées comme révolutionnaires mais en réalité condamnée à disparaître du fait de leur trop grand complexité et de leur gourmandise en matériaux rares et non-renouvelables. Les « low tech », a contrario, reposent sur la simplicité de conception (et d’utilisation), leur robustesse, leur modularité, leur réparabilité ou encore leur frugalité énergétique.
Adopter les « low tech » passe notamment par la simplification du matériel actuel ou l’abandon de technologies superflues et trop gourmandes en énergie ou matières premières. Mais au-delà du simple aspect matériel, l’auteur présente les grands axes de développement d’une nouvelle société fondée sur la solidarité, le recyclage généralisé, la sobriété énergétique, la réorganisation du travail, le retour à une agriculture diversifiée à petite échelle, la part belle faite au temps libre et aux arts...
Philippe Bihouix n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat, faisant voler en éclats nos certitudes et proposant des idées qui peuvent nous sembler aujourd’hui totalement utopiques, irréalisables, voire grotesques... mais demain ? L’abandon pur et simple de l’automobile, l’impression des journaux sur du papier pouvant être utilisé comme papier toilette, la division de la consommation électrique générale par deux ou trois, la semaine de travail de trois jours pour tous, l’abandon progressif des TGV et des avions, l’utilisation des excréments humains comme engrais...
Du fait de l’ampleur de son projet, l’auteur part un peu dans tous les sens. Passant en revue beaucoup de sujets : de la production énergétique à l’agriculture, de la santé aux transports, en passant par le coût environnemental des différents sports, les inégalités générées par le système économique actuel ou les méfaits des écrans sur les plus jeunes. En conséquence, pas mal d’approximations, de répétitions, de généralités, de sujets évacués un peu facilement ou de solutions un peu faciles (comment gérer les centaines de milliers de chômeurs générés par l’arrêt de nombreuses activités économiques trop polluantes ? En les faisant tous devenir artistes, pardi ! Ou en leur faisant creuser et reboucher des trous devant les préfectures...).
Il faut voir ce livre comme une ébauche de projet. Une étincelle parmi d’autres pour faire prendre conscience que le monde tel qu’il tourne actuellement n’est pas viable. Capitalisme débridé, inégalités galopantes, dilapidation de ressources rares et non-renouvelables, aliénation par le travail, santé menacée par les rejets toxiques ou l’utilisation massive de pesticide, production incontrôlée de biens et de services inutiles, aboutissement des masses, destruction de l’écosystème... autant de défis à relever. Une tâche ardue, sûrement irréalisable à court-terme en dépit de l’urgence, mais qui s’imposera à nous quoiqu’il arrive. Ce livre, au-delà de la prise de conscience des dangers, propose concrètement des ébauches de solution pour changer le monde. Ni plus, ni moins. Et chaque lecteur que nous sommes peut devenir un acteur du changement, à son échelle et à son rythme, au milieu de la folie généralisée.