Dans « Peau d’homme », nous suivons l’histoire de Bianca, jeune bourgeoise promise à Giovanni, fils d’un riche marchand, à l’heure de la renaissance italienne. Désireuse d’en apprendre plus sur l’homme à qui ses parent souhaitent la marier, elle décide de l’espionner. Elle y parviendra grâce à sa tante qui lui remet une peau d’homme, transmise entre les femmes de la famille de génération en génération. Ainsi affublée, elle se transforme en Lorenzo, magnifique jeune homme à la peau mordorée. Elle part alors à la rencontre de Giovanni, qui se révèle être bien plus intéressé par Lorenzo que par Bianca...
L’histoire mêle habilement le conte, le pamphlet et la farce. A travers des cases élégamment illustrées, on se laisse transporter par les aventures étonnantes de ces quelques personnages aux caractères bien trempés. On passe de la tendresse au rocambolesque en trois coups de crayons, tout en explorant les thèmes de la féminité, de l’homosexualité, du transformisme, de la transidentité, du conformisme et de la liberté des mœurs. Les auteurs nous servent une fable moderne habilement transposée dans un contexte historique, accentuant le caractère grotesque du conformisme et conférant au propos une résonance universelle.
On regrettera simplement des maladresses dans certains dialogues et quelques facilités scénaristiques. Le personnage du prêtre, notamment, pêche par ses excès et retire beaucoup de subtilité à l'ensemble. Par ailleurs, l’argumentation de Bianca à propos de la libération des mœurs souffre d'une absence de lyrisme qui la rend un peu plate, voire ennuyeuse. Elle prend alors des airs de Femen, faisant perdre ampleur et poésie à une histoire qui en regorgeait jusque là. De la même manière, certaines répliques qu’elle envoie à la figure de sa mère manquent de sel et d’à-propos.
L’ensemble reste toutefois très plaisant et agréable a lire. L'histoire est menée intelligemment, sans temps mort, le lecteur se laissant happer par cet enchantement de péripéties. On ne regrettera que cette trop grande lisibilité militante qui lui fait perdre force et subtilité. L’implicite est souvent plus percutant que l’explicite.