Peau d'Homme s'engage sur une thématique qui rapporte (en surfant sur la vague féministe) sans prendre beaucoup de risques. Certains le font maladroitement, mais je dois bien avouer que cette oeuvre aborde une notion d'égalité plus qu'une opposition féroce femmes vs. hommes avec une certaine justesse.
On pourrait donc lui reprocher de ne pas trop se mouiller, mais le graphisme de Zanzim sied parfaitement au scénario d'Hubert, et on est vite séduit par l'illustration, ce qui nous permet de continuer objectivement sur la lecture. Le soin apporté aux décors et aux expressions des personnages n'est pas sans rappeler le travail de Cyril Pedrosa dans L'Âge d'Or, d'ailleurs je trouve que Peau d'Homme lui ressemble sur beaucoup de points.
La notion de désir n'est pas propre à l'homme (on le sait mais vu que ce n'est toujours pas évident pour certains, c'est toujours bien de le rappeler), en tout cas pendant la Renaissance italienne, les filles sont toujours vouées à être mariées sans connaître leur futur mari et en ayant aucune connaissance de leur sexualité. Les hommes peuvent avoir des relations extra-conjugales sans en être forcément inquiétés et les cours d'éducation sexuelle qu'ils reçoivent sont tellement ridicules qu'ils ne donnent aucune envie d'y voir ce que pourrait être le plaisir : on baise pour enfanter, le plaisir étant réservé aux pêcheurs et aux putains. Il règne une sale odeur de pudeur chrétienne dont le bouc émissaire est bien évidemment le corps des femmes.
Vêtue d'une peau d'homme, Bianca découvre les plaisirs du sexe masculin avec son futur mari (sans que celui-ci ne sache qui elle est). Dans une société où le plaisir sexuel est un tabou pour les femmes, celle-ci comprend que chaque corps est en droit de ressentir mais se doit également de faire plaisir au partenaire. Elle parvient ainsi à faire évoluer les idées de son entourage sur l'amour homosexuel, la propriété du corps, et l'absurdité des valeurs archaïques de l'Église.
Car l'ennemi commun ici, celui qui va permettre aux femmes et aux hommes de lever le poids et de rétablir sur un pied d'égalité le concept de l'amour, c'est bien l'Église, personnifié par le frère bigot de Bianca.
Peau d'Homme se lit comme un conte illustré, la morale s'entend à unir les personnes des deux sexes préférant ouvrir les yeux sur le fait que chacun est en droit de ressentir l'amour comme il le souhaite, de disposer de son corps sans que l'autre n'ait quoique ce soit à y redire, mais surtout de pouvoir jouir d'une liberté sexuelle, qu'on peut avoir des goûts différents et être ensemble malgré tout, le tout étant que chacun y trouve son compte dans la construction du couple.
J'ai vraiment été séduit par cet album, je pense qu'il est nécessaire dans tout cet océan d'ouvrages qui déferle depuis quelques années sur l'égalité sexuelle. Malgré mon envie de casser les codes, de déranger, de rompre avec une domination masculine, il faut reconnaître que parfois, trouver un terrain d'entente peut avoir des conséquences positives sur le bien être dans le couple.
Gros coup de coeur donc, qui n'offusquera personne, qui ne dérangera pas grand monde, mais qui fait du bien !