Comment soigner l’amertume ?
C’est curieux comme le sujet d’un essai philosophique peut s’appliquer en temps réel au lecteur sur l’essai en lui-même.
J’essaye de clarifier ; compte tenu de certaines de mes faiblesses intellectuelles, le ressentiment premier que j’ai par rapport à ce livre est de m’en moquer en feignant l’auto-dérision, prétextant qu’il est beaucoup trop compliqué à comprendre.
Mais à force de se forcer (hum), on finit par comprendre la gymnastique, le texte se révèle et finalement on picore ce qu’on peut - le cerveau en roue libre - comblant le manque avec ce qu’il connait, mais plus il connaît moins il est nécessaire de combler.
L’idée étant que plus tu parcours le texte plus il devient lisible. (je postule pour devenir le prochain JCVD tiavu ?)
Ci-gît l’amer, permet de comprendre sans pour autant tout comprendre. Cynthia Fleury part du principe qu'on a forcément avalé toute la bibliIographie de Nietzsche, Scheler, de Tocqueville, de Freud, Fanon, ou de Deleuze, disons une sélection complète d’essais philosophiques, psychologiques et sociologiques (mais aussi des fois de littérature ou de poésie). C’est prétendre que l’interlocuteur lambda est cultivé, intellectuel. On pourrait considérer ça comme un jugement de valeurs mais bizarrement, c’est plus stimulant que décourageant.
Le seul point faible que j’ai ressenti sera donc une lecture laborieuse et les nombreuses références que je ne connaissais pas. Je crois qu’il ne faut pas y voir quelque chose de négatif, voyons le comme un tremplin (ça m’aura permis de découvrir Theodor Adorno et Frantz Fanon).
Pour le reste, l’auteure permet d’ouvrir la voie à l’introspection et à la compréhension des individus inscrits dans une société, ceux qui souffrent d’amertume et de ressentiment. Entre autres également ; la frustration, le sentiment d’oppression, le comportement pervers, l’addiction du bonheur, l’instrumentalisation de la joie, le ressentiment collectif qui conduit aux sociétés fascisantes,…
Pour avoir eu envie de lâcher le livre à plusieurs reprises, croyez-moi, on y gagne vraiment à persévérer.
Peu importe les phases d’incompréhension, le cerveau prendra le relai par la suite et c’est ce qui fait de Ci-gît l’amer un essai nécessaire, introspectif et réussi.