En un mot : déçu. J’attendais beaucoup de ce livre qui finalement n’apporte pas grand-chose. Histoire de resituer les choses : L’Année de notre Guerre est un des représentants majeurs de la New Weird, nouveau genre littéraire né outre-Manche, dont l’ambition n’était autre que de casser les codes de la Fantasy classique qui tourne pas mal en rond, sortir des poncifs et autres clichés qui font stagner la Fantasy actuelle dont les vrais bons ouvrages se font de plus en plus rares. Évoluant dans des mondes imaginaires mêlés à une approche plus réaliste, plus terre-à-terre, proposant des univers à mi-chemin entre rêve et réalité, la New Weird brandit l’originalité comme étendard, raison pour laquelle j’avais hâte de découvrir ce genre qui a bien du mal à percer en France.


C’est ainsi que l’on voit se développer un monde assez atypique sous nos yeux, dans lequel les empereurs vivent dans des châteaux et les soldats se battent fièrement à l’épée, portant de lourdes cuirasses de métal, mais où ils se baladent en t-shirt durant leurs congés, au beau milieu des allées bondées de passants lisant le journal… Et cette hybridation d’influences parait vachement intéressante à première vue. Mais non. C’est vain. D’où ma profonde déception. Car on se rend bien vite compte que cette originalité autoproclamée n’est qu’un artifice.


Est-ce parce que notre héros lit le journal dans un monde fantastique que l’œuvre est originale ? Parce qu’il se drogue, balance des jurons bien de chez nous et se trimballe en basket qu’on peut parler de révolution littéraire ? Non. Alors ok, la forme change, ça dépayse deux minutes, mais le fond reste le même. Les Elfes et les Nains deviennent les Rhydannes et les Awiens, l’invasion d’orcs ou de démons devient une invasion d’insectes géants, et c’est une troupe de warriors surentrainés, les Immortels, gouvernés par un Empereur aux pouvoirs mystérieux, qui s’évertue à les repousser en attendant le retour de Dieu sur Terre, prédit par une ancienne prophétie.


Sans déconner, où se trouve l’originalité là-dedans ? Les codes de la fantasy sont respectés à la lettre, à la nuance près que le cadre est largement modifié pour nous donner l’illusion du changement, et j’avoue avoir un peu eu le sentiment qu’on se payait ma pomme. En somme, la New Weird n’a de novatrice que l’étiquette dont elle se targue !


Bref, clairement je n’ai pas accroché au genre, et c’est un point sans doute très subjectif, donc passons à des éléments de critiques plus conventionnels.


En premier lieu, le rythme. Là encore, ça ne fonctionne pas. C’est long, laborieux. On se perd entre les noms de races, de lieux, et surtout de personnages dont certains ne servent à rien. On a le sentiment qu’il ne se passe rien, et il faudra attendre d’être arrivé au deux tiers du bouquin pour que ça commence à s’énerver un peu. Un rythme d’autant plus mal géré que la narration n’a aucune cohérence. Et que je t’envoie un flashback tout à fait inopportun par-ci, un échange épistolaire par-là, on revient au point de vue interne du personnage principal, puis hop ! voilà qu’il se la joue journal de bord. C’est chaotique ! Et comme l’histoire n’avance pas, ça tombe toujours un peu à plat.


Une histoire qui ne nous marquera d’ailleurs pas vraiment. A aucun moment une surprise, un truc inattendu, ne vient nous bousculer. Pas d’émotion non plus ou de moment de bravoure qui nous ferait nous redresser sur notre siège. Simplement cet antihéros ô combien antipathique, pétri d’égoïsme et passant son temps à s’apitoyer sur son sort, sur une situation dont il est le seul responsable. C’est dire que même le personnage principal on a guère envie de le suivre, et encore moins de s’y identifier.


Alors voilà, j’admets qu’il reste malgré tout une certaine qualité littéraire. Des réflexions intéressantes, en particulier sur l’immortalité qui reste un thème récurrent du récit, même si celles-ci auraient pu être plus poussées encore. Fort heureusement tout n’est pas à jeter, et on sent que certaines questions restées en suspens trouveront leurs réponses ultérieurement.


Mais j’avoue ne pas comprendre les éloges que j’ai pu voir ici et là et qui ont motivé mon achat. Alors peut être que ma déception vient de mes attentes placées trop haut, en particulier vis-à-vis de ce renouveau que se targue d’apporter la New Weird, et que je n’ai pas trouvé. Mais je persiste à penser que certains éléments manquent de maîtrise, comme la narration, ou d’intérêt, comme l’histoire qui met 30 plombes à démarrer. A vous de juger.

Gilraen
5
Écrit par

Créée

le 15 déc. 2015

Critique lue 153 fois

Gilraën

Écrit par

Critique lue 153 fois

Du même critique

GRIS
Gilraen
7

Un peu de magie quand les temps sont gris

La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste, écrivait Victor Hugo. Et de la mélancolie, Gris en a à revendre. Présente à chaque instant, elle perle dans chaque note de piano, ruisselle de...

le 16 déc. 2018

61 j'aime

21

Premier Contact
Gilraen
9

L'essence de la SF

Que se passerait-il si les E.T débarquaient subitement tout autour de la planète ? « Pan, pan ! Boum, boum ! » répondent aujourd’hui la majorité des grands noms du cinéma. Denis Villeneuve, quant à...

le 2 nov. 2016

50 j'aime

7

Matrix Revolutions
Gilraen
8

La Matrice qui cache la forêt

Blockbuster hollywoodien d’une intelligence rare, la trilogie Matrix aura fait date dans l’histoire du cinéma. Pourtant, l’accueil critique relativement mitigé de ses deux derniers opus — rapidement...

le 6 sept. 2019

45 j'aime

9