L'Apostolat du knout par vico12
Auteur peu connu en France, je copie colle ma fiche de lecture (scolaire, donc) rendue sur ce bouquin pour ceux qui tiendraient à se faire une idée.
Présentation générale
Né en 1867 dans les environs de Łódź, son père, qui est alors organiste dans les églises s’attend à le voir devenir prêtre. Pas question pour Stanislas, qui interrompt très vite ses études et s’essaye à divers métiers (théâtre ambulant, tailleur, employé des chemins de fers).
Dès 1893, il se fait connaître en publiant ses premières nouvelles, ce qui lui permet de s’installer à Varsovie où il partage alors une chambre avec un maçon, un cordonnier et un tailleur, il est alors le plus pauvre des quatre.
Il mène cette vie précaire jusqu’en 1899 date à laquelle il est blessé dans un accident de chemins de fer, il touche alors des indemnisations qui le libèrent de ses soucis financiers.
Il voyage à Paris, aux Etats-Unis, en Italie.
Même s’il s’inscrit dans le courant positiviste, contemporain de Sienkiewicz, Orzeszkowa ou Prus, Reymont est autodidacte, il a appris de « l’école de la vie ». Il écrit tel qu’il voit et entend : d’une grande mémoire visuelle et auditive, son style reproduit avec une grande précision les paysages, les coutumes et les dialectes des différents milieux qu’il côtoie. Il bosse ainsi le portrait du monde industriel dans la description dans La terre promise (Ziemia obiecana) d’une Łódź considérée à l’époque comme la Manchester polonaise, ou encore celui de la description du monde rural dans son célèbre roman Les paysans (Chłopi) qui lui vaudra le prix Nobel de littérature de 1924.
Publié en 1910, L’apostolat du Knout situe le récit dans le pays de Chełm, dans la région de Lublin actuelle. Cette région a alors la particularité d’abriter une forte communauté uniate (rite anciennement orthodoxe crée en 1596 ayant rétabli la communion avec l’Eglise catholique romaine). Sous domination russe depuis le 3ème partage polonais de 1795, elle est considérée comme batarde par les autorités et l’orthodoxie étant déclarée religion d’ « Etat », elle est interdite en 1839. Le roman s’efforce de décrire les persécutions que vont subir ces populations.
Résumé
Divisé en sept chapitres qui sont autant de nouvelles décrivant la vie de la population uniate, elles sont racontées par le narrateur, qui peut-être associé à Reymont. Il assiste alors, soit de visu, soit relatées lors d’échanges avec des paysans, au quotidien de ceux qui vivent leur culte dans la clandestinité. Et ces sept chapitres sont autant de drames qui ne laissent que peu de place à la l’espoir.
Les églises, quand elles ne sont pas détruites sont dépouillées, désacralisées : on leur ôte les images saintes, leurs cloches, les orgues, les prêtres locaux sont remplacés par des agents à la solde du gouvernement. La scène de messe clandestine, de nuit au milieu d’une forêt est une image forte du roman, et, illuminée par les torches de milliers de pèlerins qui prient tandis que les soldats les encerclent, la forêt elle-même semble ployer ses cimes lors de l’homélie du prêtre
Malgré les chantages, les promesses ou la menace la population, parfois par villages entiers refuse de se convertir. Les conversions forcées qui s’ensuivent sont perçus par les uniates comme pire que la mort : la damnation de l’âme et qui donnent lieu à des scènes de résistance inouïe.
Est narré l’histoire de ce couple de paysans et de leur nourrisson qui, refusant le baptême orthodoxe de ce dernier, se voit au fil des mois accablé d’amendes qui doublent chaque semaine. Obligé de se séparer progressivement de ses biens, il se voit assigner au travail des champs vingt heures par jour et ses récoltes reversées aux soldats, il est interdit de nourrir son bétail qu’il entend hurler de faim dans son étable gardée. Poussé dans ses derniers retranchements, celui-ci préfère s’immoler vivant avec sa famille dans son isba plutôt que de ployer le genou.
Prolongements
Peu de scènes de liesses au cours de ces récits, le ton est réaliste mais sans parti pris : à aucun moment le narrateur ne donne son jugement sur la réalité dont il se fait spectateur. Celle-ci se veut froide et sombre, à l’image de ses persécutions religieuses qui sont sans équivalent en Europe au cours de ce XIXème siècle.
J’ai justement apprécié cette absence de lyrisme, la lecture n’en est que plus poignante, l’imagination renforcée. J’ai toutefois mis beaucoup de temps à « rentrer » dans le roman : le contexte politique et religieux m’étant inconnu, il m’a fallu me documenter sérieusement avant de commencer à ancrer les évènements, de les contextualiser.
Le format de nouvelles déguisées et sans autre rapport entre elles que les uniates eux-mêmes, m’a aussi dérouté, j’ai jusqu’à la moitié du récit tenté d’y trouver un fil conducteur, en vain : il n’y a pas de progression dans la narration, simplement une succession d’histoires dont le pathos confine parfois au grotesque, tant les faits énoncés sont sordides.
Enfin, l’écriture elle-même de l’auteur, louée dans la préface de Jozef Trypucko m’a semblé de bonne facture certes, mais en décalages avec ce que j’attendais de l’auteur d’un prix Nobel. Les descriptions du monde paysan, de ses mœurs, ne m’ont pas semblées plus « sensorielles » que celles qu’Orzeszkowa en fait dans Le rustre, par exemple.
Néanmoins, sa biographie, son parcours atypique d’écrivain et le thème de ses romans poussent ma curiosité à vouloir découvrir d’autres de ses œuvres, dont sa fresque rurale, Les paysans, qui lui a valu son fameux prix Nobel.