Ah, si toutes les résidences de littérature pouvaient donner un aussi bon roman!

« – Je vous demande de réserver un accueil chaleureux, je dirais même triomphal, à celui que je me permets d’appeler Notre écrivain, oui de dis Notre écrivain, car pendant plus de trois semaines il sera à vous, à vous tous, et en votre nom je tiens à le remercier de ce temps précieux qu’il va nous accorder, d’ailleurs je le lui dis en face, merci, merci à vous d’être venu, nous sommes fiers, croyez le bien, d’inaugurer cette session de résidence d’auteurs avec un écrivain national, et je compte bien que vous parliez de Donzières dans votre prochain roman, que vous montriez notre ville sous son meilleur angle, du reste elle n’en a pas d’autres… » (p.36)
Le contrat est affiché dès la réception à l’hôtel de ville pour l’écrivain national : faire de ce rituel des lettres françaises un hymne à la gloire de la commune d’accueil, voire une ode à la gloire de la municipalité et aux projets du maire.
Si Serge Joncour réussit très bien son coup dans ce roman, c’est parce qu’il va faire exploser complètement ce mandat, en nous dévoilant ce qui ce cache derrière les volets de cette agréable cité du Morvan.
Parachuté depuis Paris par la grâce du rencontre avec un couple de libraires passionnés qui se démènent pour faire vivre leur librairie et promouvoir les auteurs, l’écrivain est accueilli avec curiosité. Entre réceptions, ateliers d’écriture, séance de signatures, exposé dans des écoles, son programme va être un peu chamboulé par un faits divers : la disparition d’un retraité et l’arrestation de l’un de ses voisins, soupçonné du meurtre. Si notre écrivain est attiré par cette histoire, c’est qu’il sait pertinemment que si la réalité dépasse souvent la fiction « elle est bien moins bavarde, bien plus dissimulée. »
Voulant en avoir le cœur net, il va se rendre dans la ferme ou vivent Aurélik, qui est derrière les barreaux, et Dora. Une belle jeune femme pleine de mystères, qui va très vite la fasciner et l’obséder : « Au-delà de ses traits, cette fille m’attirait parce qu’elle était dans une situation impossible et qu’elle se hissait au rang supérieur de ces humains qui bataillent avec le tragique. » (p. 78)
Une opinion que sont bien loin de partager les habitants pour qui, « Aurélik et Doro, en plus de ne pas être d’ici, portaient tous les maux de la terre. »
Mais le bon écrivain – comme le bon enquêteur – se reconnaît à son sens de l’observation, à sa capacité à remettre en question les vérités établies et à déjouer les préjugés. Dire que Serge Joncour y parvient admirablement, c’est à la fpis lui tresser des lauriers bien mérités et promettre au lecteur quelques rebondissements dont il se régalera. Ah, si toutes les résidences de littérature pouvaient donner d’aussi belles œuvres !
dahlem
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le 3 mars 2015

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