Une rencontre entre poésie et moustaches marines

L'Enfant et la Baleine de Benji Davies, paru en 2013, est un livre jeunesse qui ose rompre avec l'hégémonie des séries mainstream comme Tchoupi ou Monsieur Madame. Ici, pas de héros aux aventures répétitives ou de titres qui sentent le marketing industriel. Non, ce livre nous embarque dans une rencontre unique entre un garçon et un baleineau, le tout accompagné de dessins d'une finesse qui ferait pleurer un illustrateur sur son propre pinceau.

Un père qui bouscule les clichés

Le premier personnage marquant de l’histoire est sans doute le père. C’est un pêcheur robuste, bardé de bretelles, doté d’une barbe qui pourrait abriter une famille de mouettes, et d’un nez qui pourrait servir d’enclume. Et pourtant, miracle ! Il ne se met jamais à hurler sur son fils comme un capitaine de navire en colère. Ce père n’est pas une caricature de la masculinité toxique. Il est calme, posé, et réagit à la situation avec une bienveillance qui frôle le sublime. C’est un homme qui pêche des poissons, certes, mais pas les compliments forcés – il est tout simplement un père. Rien que ça, c’est révolutionnaire dans la littérature jeunesse où les figures parentales masculines sont souvent aussi absentes que les sources fiables dans un débat Facebook.

La ménagerie maritime : un tableau vivant

Si vous êtes amateur d’animaux, ce livre est un festin pour les yeux. La baleine, bien sûr, est la star incontestée, mais ce serait injuste d’oublier les seconds rôles. Les six chats du père, par exemple, qui semblent mener une existence parallèle digne d’un spin-off. Et que dire des mouettes et des crabes, qui peuplent chaque page avec une élégance qui ferait honte aux arrière-plans bâclés de certains autres albums pour enfants. L’amour de la nature transparaît à chaque illustration. Cela dit, contrairement à certains activistes urbains prônant le véganisme tout en accumulant des miles aériens pour des retraites spirituelles à Bali (sérieusement, pourquoi Bali ?), Benji Davies ne tombe pas dans le militantisme moralisateur. Ici, on célèbre les animaux avec sincérité, sans hashtags ni filtres Instagram en noir et blanc.

Une histoire qui manque d’épaisseur, mais pas les dessins

Là où le livre pêche (sans mauvais jeu de mots), c’est dans son intrigue. La rencontre entre l’enfant et le baleineau est jolie, certes, mais elle manque d’intensité. La séparation finale n’émeut pas autant qu’elle le devrait, car il n’y a pas vraiment d’histoire partagée ou de péripéties marquantes entre eux. On ne parle pas ici de Le Vieil Homme et la Mer, mais d’une histoire simple, voire un peu trop simple. Heureusement, la qualité des illustrations sauve la mise. Chaque page est une œuvre d’art méditative, parfaite pour passer quelques instants hors du temps avec un enfant ou, soyons honnêtes, pour soi-même, avec un café à la main et un chat sur les genoux.

L'Enfant et la Baleine est un bel ouvrage, parfait pour s’offrir une parenthèse poétique en famille. Si l’histoire aurait gagné à être un peu plus étoffée, les dessins et l’atmosphère unique compensent largement. Un livre qui invite à ralentir, à contempler, et peut-être, à rêver d’une vie où les baleines et les hommes peuvent cohabiter en paix. Bref, un vrai remède à la grisaille des Tchoupi omniprésents et aux dictatures des Monsieur et Madame.