J'ai très apprécié ce Goncourt de 1964 qui se déroule dans un pays africain en pleine décolonisation.
Sous fond d'une histoire d'un fonctionnaire de l’Unesco qui retrouve, par hasard, sa femme compagne d'un ministre noir, alors qu'elle l'avait quitté deux ans auparavant pour un de ses amis aventurier blanc, l'auteur aborde le racisme à travers le contexte politique et tous les personnages de son roman.
Georges Conchon sait de quoi il parle. Il ne s'agit pas ici, de racisme anti-noirs débilement dénoncé par les manifestants bédaveurs-oiseux, ni de racisme anti-blancs dénoncé par les sédentaires alcoolo-fachos.
D'un côté par une conviction de supériorité intellectuelle et culturelle, et de l'autre par un esprit de revanche anti-colonialiste, il aborde simplement la haine et la lâcheté de chacun.
A travers les différents personnages, un style littéraire et des dialogues très bruts de décoffrage, les communautés se supportent, mais ne se mélangent pas.
Le couple mixte de Doumbé et Laurence est inconcevable pour les deux communautés, créant une telle explosion de haine que même si l'on n'est pas raciste, on le devient par l’enchainement des évènements.
L'unique personnage sain de ce récit en paiera le prix fort, d'avoir ignorer le racisme de son peuple et des post-colonialistes.
"Tenait-on si fort à se faire les singes de la domination antérieure ? N'en avait-on donc pas assez des abus de pouvoir, de l'arbitraire, de tous les faits du prince ? Voulait-on devenir une république de bêtes ?"
Et pourtant ! L'Afrique n'en n'a toujours pas fini avec ses démons. Si l'on avait laissé gouverner tous les Doumbé, nous n'en serions pas là, 60 ans après.