En route pour l'Aventure !
Ce livre... Non mais ce Livre ! Fabuleux. Succulent. Espiègle. Aventureux. Jouissif. Attendrissant.
Dans la forme déjà : un gros pavé à la forme "étrange" pour un livre : plutôt carré, massif, avec sur la couverture un assemblage d'images et de textes. Et à l'intérieur, c'est tout aussi décalé : des blocs de textes, normal, mais des marges remplies de dessins, schéma, autres petits textes, avec des flèches qui relient les éléments entre eux.
L'impression immédiate de rentrer dans un univers, dans les méandres d'un esprit labyrinthique, et organisé, foutoir et précis. L'envie de plonger dedans, de feuilleter pour en déceler tous les secrets. Comme un carnet de voyage, de souvenirs, un cahier de vie.
Et une fois qu'on en commence les lignes, on s'aperçoit que c'est exactement ça.
Et nous voilà découvrant T.S. Spivet.
12 ans, surdoué, cartographe consciencieux, et croquant en schémas pointus tout ce qu'il croise, ce qui attire son attention, ce qu'il a besoin de comprendre, d'appréhender.
Le monde pour T.S. est plein de richesses, et il les dessine, les classe dans plein de cahiers, pour les rapprocher de lui, les garder pour lui, les faire siennes, ou en tout cas d'en garder une trace, et parvenir à comprendre comment fonctionne le monde et les gens (ainsi, il dessine la façon dont son père boit son whisky, le geste du poing et du bras de son frère lorsqu'il est content de lui, les expressions du visage qui représentent tel ou tel sentiment).
Il dessine aussi afin de se préparer à affronter les évènements, ou une fois qu'ils sont accomplis, comme pour mieux les assimiler, les rendre moins effrayants (ainsi, il décortique la solitude des gens, il dessine le couteau par lequel un sdf l'a tailladé, les plans de son voyage).
Enfin, il dessine juste parce qu'il est curieux des choses, et a besoin de les dessiner pour mieux les comprendre (et donc, beaucoup de choses qui se rapportent à la nature, aux insectes, aux bruits, aux vêtements, aux codes sociaux...).
Mais T.S. évolue dans un monde dans lequel il a parfois du mal à trouver sa place : il vit dans un ranch paumé du Montana. Son père est un vrai de vrai rancher, son frère en suit les traces avec une décontraction déconcertante, sa sœur rêve d'être actrice et s'enferme derrière le son pop sirupeuse de son i-pod et l'écran rose bonbon de son pc, sa mère scientifique obsédée par la découverte de la Cincidèle vampire a parfois quelques moments de complicité avec son fils, mais en tant que scientifique, très rarement en tant que mère.
T.S. se sent seul.
Heureusement il a son ami-mentor, le docteur Yorn, qui s'intéresse aux talents du jeune garçon, et l'aide à envoyer ses dessins et schémas à différents journaux et musées pour illustrer des articles.
Ainsi, un jour le fabuleux Smithsonian prend contact avec T.S., lui annonce qu'il a gagné un prix pour ses illustrations, et doit venir au musée pour faire un discours et recevoir sa récompense. Ils ne savent pas qu'il a 12 ans. Spivet hésite, un peu, puis prend la tangente.
Et voilà la Grande Aventure !
Façon Hobo, T.S. grimpe dans un train de marchandises, et entame sa traversée des États-Unis pour rejoindre un monde plein de richesses et de considérations.
Et avec lui, le lecteur découvre le monde avec de nouveaux yeux.
Et avec lui, le lecteur découvre l'histoire de son ancêtre, Emma, la première scientifique de sa famille (parce qu'il a volé un carnet de sa mère, un carnet qu'il pensait rempli d'études sur la Cincidèle, mais qui, en réalité, est une biographie de cette grand-mère fabubleuse).
Un parcours similaire, un parcours plein d'obstacles, de peur, d'excitations, d'ennui, de force, de tendresse.
L'auteur parvient à recréer l'univers sous le regard de cet enfant, sans tomber dans le CulCulPraline larmoyant et le langage Preuuut de l'enfance. Bon, certes T.S. n'est pas un enfant comme les autres. Mais Larsen parvient réellement à faire sentir l'enfant, le surdoué, le regard qui mange le monde, la peur et la fascination de l'étrange, le goût de l'Aventure.
C'est un peu Le bizarre incident du chien pendant la nuit (en mille fois mieux écrit, et sans le côté tire-la-larme), un peu les Goonies (avec un côté plus quotidien, "terre-à-erre"), c'est Max et les Maximonstres (pour la "fugue", l'obligation de grandir, la perte des parents de la famille, sans le côté fantastique).
Et la fin.
Parfaite.
En fait, je ne trouve pas de fausses notes dans ce livre. Il est parfait tel qu'il est. Il s'avale avec plaisir, tendresse, et excitation. On suit Spivet et on croise les doigts sans arrêt pour qu'il arrive entier à destination. On le comprend, dans sa solitude, ses envies de.